Quoi de neuf Docteur? Dans ce deuxième numéro de notre rubrique sur la médicine de spécialité, nous allons disséquer l’infertilité avec le Dr Youssifou Savadogo. Traitée parfois comme une maladie honteuse, l’infertilité a été la cause de rupture dans les couples et de conflits sociaux dans certaines familles. Lisez plutôt !
Aconews: Comment définit-on l’infertilité dans le jargon médical
Plusieurs définitions existent ; nous retiendrons celle de l’Organisation Mondiale (OMS) de la santé qui est la suivante :
L’infertilité est l’incapacité d’un couple à parvenir à une conception et à mener une grossesse à terme après un an ou plus de rapports sexuels réguliers (2 à 3 fois par semaine) et non protégés pour les femmes de moins de 35 ans et après six mois pour les femmes de plus de 35 ans.
De cette définition il est important de noter trois choses :
- le terme couple qui est en rapport avec la notion de vie conjugale, car de façon logique, et en terme simple la conception va de pair avec la notion de couple. La grossesse se fait à deux.
- dans un deuxième temps, les termes infertilité masculine, et infertilité féminine ne seront en général utilisés que dans le processus de prise en charge du désir de grossesse du couple, puisque dans ce cas des investigations seront faites chez chaque membre du couple pour déterminer la responsabilité de chacun de l’homme ou de la femme.
- et troisièmement il faut bien sûr que le couple ait un désir de grossesse.
Il faut souligner que l’infertilité peut être primaire ou secondaire.
- L’infertilité primaire est définie comme l’incapacité d’un couple à avoir un 1er enfant.
- L’infertilité secondaire désigne la difficulté d’un couple à avoir un autre enfant alors qu’ils en ont déjà conçu un ou ont déjà eu un avortement.
A ces deux notions il faut ajouter celle de l’hypofertilité qui est une diminution partielle de la fertilité se caractérisant pas une augmentation du temps nécessaire pour tomber enceinte.
Aconews: Quelle différence y a-t-il entre l’infertilité et la stérilité ?
La stérilité est l’absence définitive et irréversible de possibilité de procréation. Vous conviendrez donc que cette définition a un caractère relatif car, en fonction des progrès de la science, les caractères définitive et irréversible peuvent ne pas être applicables. D’aucuns disent même qu’il faut arriver au terme de la vie reproductive pour prouver la stérilité d’un couple. Par contre dans le cas de l’infertilité on a une incapacité de concevoir durant une certaine période (à partir d’un an ou deux ans de vie conjugale en fonction des définitions).
Aconews: Quelles sont les principales causes de l’infertilité et la tranche d’âge affectée ?
Je commencerai par la dernière partie de la question, en ce sens que l’âge est un facteur déterminant de la fertilité. En effet la fertilité baisse avec l’âge chez l’homme comme chez la femme.
Il est généralement admis que chez la femme, la fertilité est maximale autour de 20 ans et commence à diminuer à partir de 37 ans.
Chez l’homme la fertilité est maximale à 34 ans et dimunie naturellement avec l’âge, mais de façon plus lente que chez la femme.
L’autre effet de l’âge sur la fertilité est lié au fait que plus on avance en âge, plus on est prédisposé à certaines maladies chroniques qui jouent sur la fertilité de façon directe ou indirecte du fait des effets secondaires des médicaments utilisés pour leur traitement.
En résumé la tranche d’âge est plus facile à déterminer chez la femme, car elle naît avec un stock folliculaire bien déterminé en nombre de follicules (dans lesquels se trouvent les ovocytes qui représentent les grains de la semence féminine), on admet qu’à partir de 37 ans, les chances de procréer qui sont de 30% par cycle chez les femmes plus jeunes passe à 20%, donc les femmes les plus touchées se retrouvent dans la tranche des plus de 37 ans. Chez l’homme le pic de fertilité se situe aux alentours de 34 ans, et il faudrait donc comprendre qu’à partir de cet âge la fertilité diminue de façon plus lente que chez la femme.
Pour le reste des causes, nous pouvons les regrouper en trois catégories : Les causes communes à l’homme et à la femme : elles comprennent :
- les infections du tractus génital
- les traumatismes
- les incidents lors des interventions chirurgicales au niveau de l’abdomen ou du pelvis (ventre et bas ventre)
- les malformations congénitales.
- Certains médicaments
- Les pathologies hormonales en lien surtout avec les cas d’insuffisance d’hormones féminines ou masculines.
- Les facteurs liés à l’environnement notamment l’exposition aux polluants et aux toxines
- le mode de vie y compris les habitudes alimentaires comme le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, les aliments responsables d’obésité.
les causes spécifiques à la femme sont entre autres :
- les maladies de l’ovaire, les grossesses extra-utérines;
- les fausses couches à répétition et
- l’endométriose qui est causée par la greffe et le développement du tissu tapissant la cavité de l’utérus (endomètre) dans un autre organe (trompes, ovaire cavité pelvienne etc.)
Pour l’homme nous pouvons retenir :
- Une obstruction des voies de transit du liquide séminal et des spermatozoïdes en lien avec une lésion ou une infection.
- Une incapacité des testicules à produire des spermatozoïdes, par exemple en raison de varicocèles ou de traitements médicaux qui altèrent les cellules productrices de spermatozoïdes (comme la chimiothérapie utilisée dans le cadre d’un traitement anti cancéreux).
- Une anomalie de la fonction des spermatozoïdes et de leur qualité.
Aconews: L’infertilité est-elle guérissable ?
La réponse est OUI, si on s’en tient à sa définition susmentionnée. Bien sûr les chances de guérison dépendent de plusieurs paramètres dont l’âge du couple, le type d’infertilité et la qualité de la prise en charge.
Aconews: Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes souffrant d’infertilité ?
C’est d’abord de consulter un professionnel de santé pour avoir la confirmation ou l’infirmation du statut de couple infertile et espérer le cas échéant une meilleure prise en charge. Ensuite, c’est la nécessité d’adopter une bonne hygiène de vie en évitant les différentes addictions : alcool, tabac, drogue. Enfin se convaincre que la prise en charge est assez souvent couteuse et de longue durée et le résultat escompté n’est pas toujours obtenu. Dans certains cas on pourrait même suggérer l’adoption d’un enfant.
Dr. Youssifou Savadogo
Gynécologue-Obstétricien, spécialiste de la santé de la reproduction en service au CHU de District de Bogodogo et ancien expert de l’UNFPA au Tchad.
Email : savadogoyoussifou@yahoo.fr