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Procès du détournement de fonds au ministère de l’Action humanitaire : L’administration publique burkinabè doit aussi se remettre en cause

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Le procès de détournement de plus de 3 milliards de FCFA au ministère en charge de l’Action humanitaire a rendu son verdict ce 24 décembre 2024. Le principal prévenu, Amidou Tiégnan, a été reconnu coupable de détournement de fonds publics, d’enrichissement illicite, de blanchiment de capitaux, etc. En répression, il a été condamné à 15 ans de prison et à une amende de 5 milliards 640 millions de FCFA, le tout ferme. Ses trois autres co-prévenus ont écopé aussi de peines d’emprisonnement et d’amendes fermes. Dans cette affaire, on voyait Amidou Tiegan et Cie à la barre. Mais  ce fut aussi un procès de l’administration publique burkinabè dont le laxisme a permis cette prévarication.

C’est fini pour le procès du détournement de fonds au ministère en charge de l’Action humanitaire qui a tenu en haleine les Burkinabè du 3 au 24 décembre 2024 ! La télévision et la radio nationales, qui retransmettaient les audiences en direct, vont reprendre le cours normal de leurs programmes. On entendra plus parler de ce procès à moins d’un appel du verdict dans un délai de 15 jours tel que reconnu aux prévenus.

Si ce procès était en première ligne, au premier plan, il y a un autre qui était apparent, qui s’est tenu en filigrane. Il s’agit de celui de l’administration publique burkinabè. Avec les dépositions des prévenus et des témoins, il apparait que le ministère en charge de l’Action humanitaire a manqué de vigilance et fait preuve de laxisme concernant la gestion des ressources financières mises à sa disposition. C’est avec ahurissement que l’on a découvert que les détournements se sont étalés sur quatre ans (2020-2024). Durant tout ce temps, des ministres, des responsables financiers, se sont succédés sans rien voir. Idem pour un service comme l’Inspection générale des services de ce ministère. Des agents de l’Autorité supérieure et de contrôle d’Etat (ASCE-LC) sont venus faire des contrôles et n’y ont vu que du feu. Le gestionnaire du compte PROSOC (Protection sociale), Amidou Tiégnan, a réussi à passer à travers les mailles de leurs filets sans éveiller des soupçons. Nul doute que le pillage des fonds destinés à des personnes vulnérables se serait poursuivi si l’actuel directeur de la gestion des finances du ministère n’avait pas porté plainte contre le sieur Tiégnan pour imitation de signature.

A l’absence de contrôles rigoureux de la gestion des ressources publiques, il faut ajouter les nominations d’agents à des postes qui ne correspondent pas à leur profil et pour lesquels ils n’ont donc pas les compétences requises. A titre d’exemple, Amidou Tiégnan, conseiller d’éducation féminine de formation, s’est retrouvé à faire un travail de financier pendant des années en gérant un compte où il y a beaucoup de millions voire de milliards de FCFA. Son co-prévenu Salifou Ouédraogo, adjoint de secrétariat de formation, a été converti en gestionnaire de fonds de la manutention des vivres au Secrétariat permanent du Conseil national de secours d’urgence (SP/CONASUR). Sans encourager les détournements, les vols, on ne devrait pas être étonné, dans ces conditions, qu’il y ait de la prévarication. Et c’est ce qui s’est passé au ministère en charge de l’Action humanitaire. Des manœuvres ont été savamment mises en place pour exploiter les failles du système et faire tranquillement main basse sur des ressources publiques.

En dehors du ministère, il y a le Trésor public qui a aussi péché en ne décelant pas les imitations de signatures faites par Amidou Tiégnan. A-t-il bénéficié de complicités à l’interne ou était-il un bon imitateur ? Toujours est-il qu’il a, par ce procédé frauduleux, décaissé des millions de FCFA à son profit et à celui d’autres personnes.

Amidou Tiégnan et consorts ont eu la malchance de se faire prendre comme un certain Vincent Dabilgou, ancien ministre en charge des transports, qui a été jugé et condamné également pour, entre autres faits, détournement de deniers publics, enrichissement illicite. Combien sont-ils dans l’administration publique burkinabè qui détournent l’argent du contribuable à leur seul profit sans se faire prendre ? Nombreux sans doute. Dans une tribune relative au procès en question, le chef de Dawelgué, Naaba Boalga, n’a pas hésité à affirmer que nous sommes tous des « Tiégnan en somnolence ou éveillés ». On peut trouver que c’est exagéré de mettra tout le monde dans le même sac pour dire que tout le monde est pourri. Malheureusement, les agents publics honnêtes, consciencieux, sont une espèce en voie de disparition. Ils sont à l’image de la société elle-même où des valeurs comme l’honnêteté, la probité, l’intégrité, ne sont pas valorisées, reconnues comme il se doit. C’est plutôt des contre-valeurs comme la cupidité, la duplicité, la fourberie, qui ont pignon sur rue. Partout dans toutes les couches socio-professionnelles, la mauvaise graine a tout éclipsé et mis sous éteignoir les bons exemples.

A la lumière du présent procès, l’administration doit se remettre en cause, se regarder dans la glace, sinon le procès de Tiégnan ne sera ni le premier, ni le dernier. Si elle n’est pas regardante sur les personnes à qui elle confie ses ressources à gérer, si elle ne se départit pas de son laxisme, des nominations de complaisance, les fonds seront toujours mal gérés. « L’homme qu’il faut à la place qu’il faut » doit être son leitmotiv dans les nominations à des postes de responsabilité en général et surtout à ceux de gestion des ressources publiques. L’interpellation du président du Tribunal après le prononcé du verdict est d’à-propos et doit être prise au sérieux et en compte.

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