Les images du baiser forcé de Luis Rubiales à la joueuse Jenni Hermoso après le titre mondial décroché en Australie ont suscité de vives réactions jusqu’au sommet de l’Etat, en Espagne. Mais il a déclaré, vendredi, ne pas avoir l’intention de quitter son poste.
La fête est gâchée. Sur le toit du monde pour la première fois de son histoire, l’Espagne n’a pas eu le temps de célébrer ses joueuses, titrées face à l’Angleterre (1-0) le 20 août dernier à Sydney. La faute au président de la Fédération espagnole de football (RFEF), Luis Rubiales, coupable d’un baiser forcé à l’attaquante Jenni Hermoso après la finale. Les images sont passées en boucle dans les médias espagnols et internationaux, provoquant l’indignation. Le gouvernement est sorti de son silence à plusieurs reprises pour demander des sanctions.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire organisée à la hâte par la Fédération espagnole, vendredi 25 août, Luis Rubiales a annoncé son refus de démissionner de son poste malgré toutes les pressions. Retour en 11 actes sur une affaire qui secoue notre voisin ibérique depuis cinq jours.
L’Espagne est entrée dans l’histoire en étant sacrée championne du monde, le 20 août en Australie. Au moment de la remise des médailles, sur le podium, le président de la Fédération espagnole de football embrasse de force la joueuse Jenni Hermoso. Et se montre très tactile envers l’ensemble de l’équipe.
Alors que Luis Rubiales a rejoint l’équipe dans le vestiaire pour célébrer le titre et promettre aux joueuses des vacances à Ibiza, Jenni Hermoso affirme dans un live qu’elle a publié sur Instagram que ce baiser était non consenti. « Ça ne m’a pas plu, hein ! », lance-t-elle dans un éclat de rire au milieu des festivités. Plus tard, la Fédération affirme pourtant que Jenni Hermoso lui a transmis des déclarations, assurant que « c’était un geste mutuel totalement spontané en raison de l’immense joie que procure la victoire d’une Coupe du monde, un geste naturel d’affection et de gratitude ».
La Fédération a bien tenté de minimiser l’affaire, mais ce baiser forcé prend une tournure politique, avec la réaction, toujours le 20 août, de la ministre de l’Egalité, Irene Montero, sur X (ex-Twitter) : « Nous ne devrions pas considérer que donner un baiser sans consentement est une chose ‘qui arrive’. C’est une forme de violence sexuelle que nous, les femmes, subissons au quotidien et jusqu’à présent invisible, et que nous ne pouvons pas normaliser. (…) Seul un oui est un oui. »
Le président de la RFEF publie une vidéo d’excuses, lundi 21 août, dans laquelle il reconnaît (à moitié) ses torts : « Je me suis sûrement trompé. Sans mauvaise intention, cela s’est passé de manière spontanée. On a une magnifique relation, comme avec toutes les autres joueuses. Nous voyions cela comme quelque chose de normal, mais certains se sont sentis offensés, je dois apprendre de cela. » Au lendemain des excuses de Luis Rubiales, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, monte au créneau, lors d’une conférence de presse à Madrid : « C’est un geste inacceptable. Ces excuses sont insuffisantes, inadéquates, et je pense même qu’elles sont inappropriées et qu’il doit donc aller plus loin. »
Toujours le 22 août, plusieurs ministres demandent la démission du président de la Fédération espagnole. « Il s’agit d’un patron qui fait pression sur une employée pour qu’elle dissimule les abus qu’elle a subis. C’est extrêmement grave et cela dénigre le sport espagnol. Rubiales doit démissionner immédiatement », écrit la ministre du Travail, Yolanda Díaz, numéro trois du gouvernement.
Face à l’ampleur et la tournure politique prises par cette affaire, la RFEF annonce dans la soirée qu’en raison du « caractère d’urgence », elle tiendrait, vendredi 25 août, une assemblée générale extraordinaire consacrée à ce baiser forcé de Luis Rubiales.
Victor Francos, secrétaire d’Etat espagnol aux Sports et président du Conseil supérieur des sports (CSD), exige, le 23 août, un « rapport transparent et urgent » de la RFEF : « S’il ne l’est pas, nous serons évidemment obligés de prendre les mesures complémentaires correspondantes », dit-il, brandissant la menace d’un passage devant le Tribunal administratif des sports.
Jennifer Hermoso annonce s’en remettre à son syndicat Futpro, qui, dans un communiqué, condamne « fermement les conduites qui attentent à la dignité des femmes », et réclame des « mesures exemplaires » afin de « veiller sur les droits des joueuses ». « Nous travaillons pour que des actes comme ceux que nous avons vus ne restent jamais impunis », ajoute Futpro mercredi, avant de demander au Conseil supérieur des sports « de soutenir et de promouvoir activement la prévention et l’intervention contre le harcèlement ou l’abus sexuel, le machisme et le sexisme ».
Le même jour, la Ligue féminine de football professionnel (Liga F) décide de déposer plainte auprès du Conseil supérieur des sports, en demandant l’éviction de Luis Rubiales. « L’Espagne et le football espagnol ne méritent pas un représentant de ce niveau. (…) Il est temps de faire un pas en avant. Le contraire serait une humiliation pour toutes les femmes et la plus grande défaite du sport espagnol et de notre pays », affirme la Ligue. Le lendemain, jeudi 24 août, la Fifa annonce ouvrir une enquête disciplinaire à son encontre, pour des faits qui pourraient constituer « une infraction aux règles de base de la décence », ou un « comportement portant atteinte à l’image du football ou de la Fifa ».
Cinq jours après les faits, lors d’une assemblée générale extraordinaire, Luis Rubiales a annoncé son intention de ne pas démissionner, malgré toutes les pressions qu’il subit. « Je ne démissionnerai pas ! », a-t-il lancé dans un discours devant quelques 140 personnes. Dénonçant le « faux féminisme » qui « ne cherche pas la vérité », il a fustigé une « tentative d’assassinat social » lors de ce discours d’environ une demi-heure.
Cette annonce a suscité de vives réactions tant au sein des joueuses, notamment de la double Ballon d’or Alexia Putellas, des joueurs ou d’anciennes gloires espagnoles, que chez des dirigeants et des politiques du pays. Le Conseil supérieur des Sports, un organisme gouvernemental, a annoncé qu’il allait porter l’affaire devant le Tribunal administratif des Sports.
Quelques heures après cette assemblée générale extraordinaire, un communiqué signé notamment par l’intégralité des 23 championnes du monde espagnoles est publié. « Après tout ce qui est arrivé lors de la remise des médailles du Mondial féminin, toutes les joueuses signataires du présent texte n’honoreront pas une prochaine convocation si les dirigeants actuels sont maintenus », disent-elles. En outre, Jenni Hermoso y affirme que « comme le montrent les images, à aucun moment je n’ai consenti au baiser qu’il m’a donné et, bien sûr, je n’ai en aucun cas cherché à soulever le président. Je ne tolère pas que ma parole soit remise en question, encore moins que l’on invente des mots que je n’ai pas dits. »
Source: France info.