Le Soudan du Sud est de nouveau au bord de la guerre avec l’arrestation, vers fin mars dernier, du vice-président du pays, Riek Machar. Une fois de plus, la lutte pour le pouvoir entre ce dernier et le président Salva Kiir fragilise l’accord de paix de 2018 et risque de mettre les feux aux poudres. Les démons de la guerre civile ne sont pas loin de faire leur retour dans ce pays à l’histoire tourmentée.
Après la première guerre civile de cinq (05) ans (2013-2018) du plus jeune État africain indépendant en 2011, les ingrédients d’une seconde déflagration sont en train d’être dangereusement réunis au Soudan du Sud. La lutte pour le pouvoir entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar risque une fois de plus de mettre les feux aux poudres.
Le premier tient à conserver le pouvoir qu’il exerce depuis 2011 en usant d’astuces pour ne pas le quitter à travers, par exemple, les reports de l’élection présidentielle. Ce scrutin majeur, initialement prévu en février 2023, a été repoussé d’abord en décembre 2024, puis en décembre 2026.
De son côté, le vice-président ronge son frein et a fini par perdre patience avec ce qu’il considère comme du dilatoire du président pour l’empêcher d’accéder au pouvoir conformément à l’accord de paix d’octobre 2018.
Les combats dans le nord du pays entre les troupes gouvernementales et une milice rebelle, connue sous le nom d’Armée blanche, soupçonnée d’être alliée au vice-président ont servi de prétexte pour priver ce dernier de sa liberté d’aller et de venir. Depuis lors, la tension est montée de plusieurs crans, la situation est devenue volatile et inflammable dans la capitale Juba. L’ONU, qui dispose dans le pays d’une mission de maintien de la paix forte de près de 18 000 hommes, a tiré la première la sonnette d’alarme. « Aux dirigeants de ce pays, je dis : mettez fin à la politique de confrontation ! Libérez immédiatement les responsables militaires et civils détenus ! Rétablissez pleinement le gouvernement d’unité nationale et mettez vigoureusement en œuvre les promesses que vous avez faites en vous engageant à respecter l’accord de paix, qui est le seul cadre juridique pour des élections pacifiques, libres et équitables en décembre 2026 ! », a demandé le Secrétaire général António Guterres. Il a aussi appelé les dirigeants du pays au sens de la responsabilité : « Aujourd’hui, plus que jamais, les dirigeants du Sud-Soudan doivent entendre un message clair, unifié et retentissant. Déposez les armes ! Faites passer le peuple du Sud-Soudan en premier ! »
L’Union africaine (UA) n’est pas restée passive face à la situation inquiétante au Soudan du Sud. Son Conseil de paix a demandé la libération immédiate de Riek Machar et mis en garde contre une menace de l’accord de paix de 2018. Mieux, le Conseil des sages de l’organisation continentale s’est rendu ce début avril à Juba avec pour mission de sauver l’accord de paix qui a mis fin à la guerre de cinq (05) ans qui a fait 400 000 morts et 4 millions de déplacés.
Le président ougandais Yoweri Museveni, allié de son homologue sud-soudanais dont il a sauvé le pouvoir en 2013 en déployant des troupes à Juba, a aussi effectué une visite éclair au Soudan du Sud le 03 avril dernier.
Il reste à espérer que toutes ces actions permettent d’éviter que le Soudan du Sud ne s’embrase à nouveau. Déjà, les partisans de Riek Machar a salué la démarche du Conseil des sages de l’UA comme « un effort important pour désamorcer les tensions ». De même, le président sud-soudanais a eu une réunion privée avec son homologue ougandais lors de la visite éclair de ce dernier à Juba même si rien n’a filtré.
Il pourrait s’agir d’espoirs minces qui peuvent éviter d’en rajouter au foyer du voisin du Nord, le Soudan, qui est incandescent depuis avril 2023 avec, là-bas aussi, une guerre impitoyable pour le pouvoir que se livrent deux généraux hier alliés, mais aujourd’hui ennemis jurés. Cette région souffre déjà avec cette guerre oubliée du Soudan.
Tout le monde en a conscience et ne ménagera donc aucun effort pour que les armes ne crépitent pas à nouveau dans ce pays à l’histoire tourmentée. Après la guerre de libération, il n’y a que celle du développement qui mérite d’être menée par le Soudan du Sud.