Dans cette troisième partie de notre entretien avec Da Sié De Bindouté, l’analyste politique propose des actions urgentes que les Etats membres de l’AES et leurs dirigeants doivent entreprendre pour réussir dans leur nouvelle confédération.
« Aujourd’hui ils doivent tirer des leçons, l’AES doit se doter d’une armée digne de ce nom pour sécuriser les frontières, les institutions et les chefs d’états ; c’est la première des choses. Cette une démarche à ne même pas discuter mais ils ont fait l’erreur de ne pas créer une armée et de s’asseoir à discuter toujours comment créer une force conjointe c’est une erreur très grave, qu’ils sont en train de commettre, parce qu’il faut commencer à recruter pour une armée panafricaine fédérale. La deuxième action, serait de créer une télévision, une radio et des organes de presse qui doivent communiquer pour les Etats membres de l’AES parce que l’Afrique ne communique pas sur elle-même », Da Sié De Bindouté
Quelles sont les actions urgentes que les Etats membres de l’AES et leurs dirigeants doivent entreprendre pour réussir dans leur nouvelle confédération ?
Pour réussir dans leur confédération, il y a beaucoup de choses à prendre en compte mais la première faiblesse de l’AES est que les dirigeants ne s’étaient pas préparés pour gouverner, ça c’est d’un.
Deuxièmement ils n’ont pas de structure avant-gardiste, c’est à dire qu’ils n’ont pas de parti politique ou des syndicats et structures de mouvement de jeunesse. Ce qu’on appelle aujourd’hui les organisations de la société civile.
Troisièmement, Les dirigeants actuels de l’AES ne maîtrisent la question du panafricanisme. Ils ne sont pas venus avec une expérience de gouvernance. Autrement dit, les cadres qui tiennent les structures actuelles de l’AES, ne sont pas des panafricanistes si je peux le dire ainsi. C’est à dire ce ne sont pas des gens qui étaient dans le militantisme panafricain, ce ne sont pas des gens qui étaient pris dans un élan panafricaniste pour défendre l’Afrique comme ils le font aujourd’hui.
Les gens ont été pris de cours pour venir former des gouvernements et les dirigent eux même par leur patriotisme militaire sur le terrain à la suite de leur révolte pour faire changer le cours de l’histoire. Voilà courageusement ce que je peux dire du point de vue intellectuel.
« Il faut que le Burkina, le Niger et le Mali créent une armée confédérale. »
Il y a un problème doctrinal, conceptuel et de mise en œuvre en ce qui concerne des actions panafricaines. Au-delà de cela, moi personnellement avant qu’ils annoncent l’AES, entre le Mali et le Burkina j’ai dit que ce qui a été le maillon faible de la civilisation africaine depuis l’Égypte antique jusqu’à l’Afrique précoloniale, c’est la question militaire. L’Afrique n’a pas développé un art militaire, une mentalité guerrière, l’Afrique n’a pas développé des armes. L’Afrique a plus développé la morale, l’humanité, l’humanisme et le culte.
C’est pourquoi l’Afrique a plus d’architecture funéraire, d’architecture religieuse, d’architecture mortuaire que toute autre chose parce que on a mis tout l’accent sur l’homme, comment humaniser l’homme mais l’Afrique n’a pas développé la guerre c’est pourquoi j’avais proposé et j’insiste toujours qu’il ait un état-major général entre le Mali et le Burkina. Il fallait créer une armée entre ces deux pays, ils ne l’ont pas fait, le Niger est venu.
Quand le Niger est venu j’ai dit encore qu’il faut créer une armée fédérale qui est différente de la force conjointe. La force conjointe est une idée venue des questions de l’ONU où on dit qu’il faut envoyer des forces armées de plusieurs pays pour un mission conjointe. Non, il faut que le Burkina, le Niger et le Mali créent une armée confédérale. C’est la première des choses qu’il faut faire et c’est cette armée qui va maintenant sécuriser les frontières des trois pays et les trois présidents parce que l’erreur que les premiers panafricanistes ont commise et le contexte ne s’y prétendait pas aussi, c’était qu’ils n’ont pas mis l’accent sur leur sécurité. Ils n’ont pas mis l’accent sur la coopération sécuritaire en termes de défense et de sécurité.
Aujourd’hui ils doivent tirer des leçons, l’AES doit se doter d’une armée digne de ce nom pour sécuriser les frontières, les institutions et les chefs d’états c’est la première des choses. C’est une démarche indispensable à ne même pas discuter mais les dirigeants de l’AES ont fait l’erreur de ne pas créer une armée et de s’asseoir à discuter toujours comment ils vont créer une force conjointe c’est une erreur très grave, qu’ils sont en train de commettre, parce qu’il faut commencer à recruter pour une armée panafricaine fédérale.
« L’Afrique ne communique pas assez sur elle-même »
La deuxième démarche, serait de créer une chaine de télévision, une radio et des organes de presse qui doivent communiquer pour les Etats de l’AES parce que l’Afrique ne communique pas assez sur elle-même. Tout ce que vous voyez, des journalistes africains qui se cachent derrière la liberté d’expression, les droits de l’homme c’est parce que aussi la presse africaine est inculte sinon elle aurait compris que l’Afrique ne communique pas assez sur elle-même. L’Afrique reçoit des informations que les autres médias donnent sur l’Afrique et ce sont ces mêmes médias qui reçoivent les informations venant d’autres médias qui traitent les informations sur l’Afrique. Ce ne sont pas eux-mêmes qui produisent. Combien d’européens, d’American et du reste du monde captent une radio pour vérifier une information ? Ouvrent une chaine de télévision pour vérifier une information ?
Ça ne se passe presque jamais. Si un événement se passe en Afrique, il faut aller à la voix d’Amérique, à Dorcel, BBC, RFI ou France 24, des médias étrangers pour pouvoir comprendre ce qui se passe en Afrique alors qu’on a des Etats qui ont des chaines de télévisions. Personne ne veut capter une télévision parce que la télévision quand tu la capte il attendre à 13h ou à 20 h à l’heure du journal pour avoir quelques informations. Aucun événement de grande importance ne passe en direct sur les télévisions d’États dans nos pays alors que cela est très utile à l’heure du numérique et des réseaux sociaux. Il faut donc créer ces outils de communication très utiles les populations des Etats membres de l’AES et pour le reste du monde.
« Il faut que les chefs d’états africains prennent au sérieux la question de la science. »
Maintenant après ce deuxième outil, une autre chose très importante qu’il faut mettre en place, c’est la science. L’Afrique doit former des ingénieurs, des savants, des chercheurs et les autorités de l’AES doivent mettre des moyens sans tarder pour des questions scientifiques parce qu’aujourd’hui, il y a combien de bibliothèque dans nos pays ? Il n’y en a presque même pas dans nos universités les bibliothèques qui sont c’est pauvre, c’est pourquoi les étudiants et chercheurs sont obligés de partir à l’extérieur dans le cadre de leur recherche universitaire, il n’y a pas de bibliothèque riche dans nos Etats.
Est-ce que les autorités de l’AES ont pensé à comment dynamiser la science ? On ne peut pas être dans une posture de confédération sans penser automatiquement à la science parce que c’est la science qui va nous fournir des savants, et nos propres matériels et équipement nécessaires pour faire la guerre et aussi inventions pour impulser le développement endogène. Tous ces missiles, toutes ces armes que les pays de l’AES sont en train de payer viennent des chercheurs d’autres pays et chaque pays garde jalousement ses armes secrètes pour que le jour qu’ils voudront les utiliser contre un autre pays qu’il ne sache pas comment ça fonctionne. Voilà pour ce qui concerne la question militaire.
Donc il faut que les chefs d’états africains prennent au sérieux la question de la science mais malheureusement depuis qu’ils sont là, il n’y a pas encore cette question à l’ordre du jours. La politique c’est quelque chose de très scientifique, il n’y a pas de désordre dedans et il n’y a pas d’à-peu-près. Tout doit être pensé, tout doit être planifié donc s’il n’y a pas de recherche scientifique, on doit rapidement se mettre à construire des laboratoires, des bibliothèques, des universités et engager des recherches scientifiques telle que sur l’énergie solaire, les questions d’ingénierie, l’intelligence artificielle, réfléchir même encore sur notre histoire, notre culture et voir maintenant comment il faut remodeler la société.
La science est très importante mais malheureusement jusqu’à présent on ne voit pas ce domaine parce que, qui parle de science aussi, parle des maisons d’édition. Comment, il faut produire des ouvrages comment il faut aussi créer des journaux, comment il faut avoir des programmes de télévision bien riche pour éduquer la jeunesse et l’éducation de la jeunesse aussi suppose que les dirigeants ont un programme politique bien élaboré, qui s’étend sur 50 ans, 100 ans. Voilà comment il faut voir les choses donc les conseils qu’on peut leur donner c’est de s’organiser et les trois démarches, il faut y mettre l’accent parce que jusqu’à présent on n’a pas encore fait de bilan de tout ce qu’on a connu comme problèmes depuis les indépendances.
« Les chefs d’états de l’AES doivent avoir le courage et le réflexe de mettre les moyens pour les chercheurs, afin de développer la science. »
Aucun pays africain n’a corrigé même son histoire. Aucun pays n’a même corrigé les noms coloniaux, ni pris le temps d’élaborer une histoire du pays pour pouvoir avoir des manuels dignes de ce nom pour une histoire de l’Afrique même si les Cheick Anta Diop, les Joseph Ky Zerbo et autres historiens ont travaillé mais il n’y a pas eu une coordination entre les pays pour pouvoir réécrire leur histoire.
Tout est resté comme cela, les chercheurs même se cherchent il n’y a pas de possibilité de publier par manque de moyens donc tout ça, on ne peut pas aborder ce sujet de souveraineté sans s’appuyer véritablement sur la science. Vous voyez aujourd’hui après les examens, on voit qu’y a tel élève qui a eu le BAC , le BEPC, le CEP avec telle moyenne mais quel est leur avenir ? Est-ce qu’aujourd’hui au Burkina on a des écoles d’excellence où on envoie former nos champions pour qu’ils soient des savants, des intellectuels chevronnés pour le pays ? Il n’y en a pas beaucoup à ma connaissance. Mais quand vous prenez à l’époque coloniale, on envoyait les meilleurs élèves dans les écoles d’excellence. Et quand vous prenez l’école William Ponty à Dakar au Sénégal, elle a formé combien de cadres pour l’Afrique Occidentale Française (AOF) ? Ceux qui passaient par William Ponty, les instituteurs par exemple étaient de grands intellectuels. Aujourd’hui il y a combien d’écoles d’excellence dans nos pays pour accueillir les premiers et les majors de nos écoles classiques ? Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup.
Donc il faut créer des écoles d’excellence inter- Etats où on va envoyer former nos meilleurs élèves. Créer de nouvelles écoles militaires dans le cadre de l’AES où les cadres vont commencer à réfléchir, créer des Instituts qui vont former des cadres des divers domaines. Il faut arrêter de vouloir construire la démocratie, non la démocratie n’est que le résultat des combats révolutionnaires.
Par exemple quand on voit que la prochaine fois c’est la rencontre des parlementaires, pour faire quoi ? Est-ce qu’aujourd’hui, la préoccupation des peuples c’est de voir les gens se réunir pour dire que ce sont des députés ? Non ! C’est quel droit même que nous utilisons ? Il faut réfléchir sur quelle philosophie de droit nous allons lancer nos pays ? On a été brimé, ce sont des questions de droit car c’est à l’intérieur qu’on a des traîtres, ce sont des questions de droit. Ça veut dire que l’État n’existe pas d’abord.
Là où l’État existe le citoyen n’est pas fou pour trahir son pays. On va le prendre en marge et le sanctionner convenablement. Ce n’est pas pour rien, la France a inventé la guillotine et autres. Dans beaucoup de pays occidentaux aujourd’hui, il y a encore la peine de mort, tu n’oses pas voler de l’argent, n’en parlons même pas de trahir le pays. Voici les réalités ! Mais en Afrique n’importe qui sort de chez lui, il vient en Afrique, il peut trouver un militaire, ou un cadre qui est prêt à trahir son propre pays, à massacrer même des gens mais il ne connait même pas où il vit, il ne peut même pas aller chez lui mais il est prêt à faire des pactes avec le diable pour détruire ses propres frères.
« Dans l‘AES il manque de documents officiels qui définissent le concept du terrorisme, des droits de l’homme… »
Il faut donc changer les dogmes et tout passe par la science et les trois chefs d’états de l’AES doivent avoir le courage et le réflexe de mettre les moyens pour les chercheurs, afin de développer la science. Si vous prenez l’exemple de Haïti. Chaque fois j’interpelle les chefs d’Etats africains de l’AES à comprendre l’histoire de Haïti. Parce que, si on ne comprend pas ce qui est arrivé à Haïti et qui continue d’arriver à Haïti on va croire qu’on va arriver, on n’y arrivera pas, il faut étudier l’histoire de Haïti pour comprendre tout le problème et tirer leçon. Mais malheureusement depuis que j’en parle, il n’y a même pas eu un colloque ou une rencontre scientifique pour inviter les chercheurs à réfléchir sur l’histoire de l’Afrique pour pouvoir avancer.
Du point de vue scientifique toujours, l’erreur que les chefs d’états de l’AES ont commise et qu’il faille corriger, c’est le manque de documents officiels qui définissent le concept du terrorisme, qui aborde les questions des droits de l’homme et qui traite de toutes ces questions et dire clairement aux yeux de l’humanité, voici notre vision en tant qu’Etats membres de l’AES sur ces notions. Ces documents manquent, cette réflexion manque parce qu’il faut un cadre conceptuel, il faut un cadre d’orientation politique ou de la vision. Il faut dérouler cette vision qu’ils ont aujourd’hui de la lutte contre le terrorisme sur un document officiel qui sera publié et que tout un chacun peut prendre et lire et qu’en terme de diplomatie, en termes de gouvernance, ils s’appuient sur ces documents. Voilà notre vision de ce qu’on appelle le terrorisme. Tout le monde sait comment, l’État définit le terrorisme, voilà la nouvelle vision de l’État mais il n’y a pas ça, ces documents manquent, rien n’est harmonisé ils sont toujours dans les questions de transition, dans des questions où ils répètent même certaines choses qui n’ont pas de sens mais comme y a pas eu une réflexion doctrinale, il n’y a pas eu un cadre d’orientation politique, les questions de panafricanisme et de renaissance africaine ne reviennent pas.
« Chez nous nous, ce n’est pas le cas, on est prêt à singer les autres pour nous auto-détruire »
Le combat panafricain ce n’est pas ce que beaucoup de gens font aujourd’hui, le combat panafricain c’est purement un combat scientifique parce que les gens ont déconstruit et ils ont reconstruit. La question de la réhabilitation de la conscience historique de l’Afrique ce n’est pas les Etats, ce sont les chercheurs africains qui ont milité pour cela et aujourd’hui ces Etats qui parlent de souveraineté doivent savoir par où les autres ont passé pour réhabiliter les consciences historiques africaines pour s’approprier leurs idées afin de procéder maintenant à la renaissance africaine. Vous ne pouvez pas parler de souveraineté et vous partez copier royalement le système politique ou bien le système de représentation en Europe pour dire que vous avez une assemblée nationale, vous avez ceci, vous avez une république. Rome était gouverné par des empereurs mais ils ont la république. Comment peut-on concilier royaume et république mais aujourd’hui les gens emploient ça comme cela. Le nom république vient de la Rome antique ça vient de la civilisation romaine mais c’étaient des empereurs. Pourquoi aujourd’hui en Angleterre on ne dit pas que c’est une république mais on dit que c’est une monarchie constitutionnelle, c’est un empire ? Donc ce sont des choses sur lesquelles l’Afrique devrait réfléchir et redéfinir les choses en fonction de sa culture. La Chine n’a pas à se préoccuper de copier les Etats-Unis coûte que coûte parce que les Etats-Unis sont une puissance. La Chine a fait une révolution culturelle et la Chine s’est dotée d’une mémoire, d’une orientation qui se base sur leur culture d’où aujourd’hui leur puissance parce qu’ils savent où ils vont et ils savent où ils tirent leur inspiration. Mais chez nous nous, ce n’est pas le cas, on est prêt à singer les autres pour nous auto-détruire parce qu’on a une culture, une identité, une histoire mais si on prend d’autres choses qu’on vient nous imposer, on ne peut pas les réaliser pour atteindre nos propres objectifs.
L’AES a certes quelques défauts de démarrage aujourd’hui mais en même temps si on accepte de les corriger à travers des conseils de personnes averties, cet espace deviendra une référence dans le monde dans un future très proche.