A la suite de l’attaque de Solhan, ayant fait 132 morts et des critiques venant des organisations de la société civile et de l’opposition politique sur la gestion de la crise sécuritaire, le ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement, Ousséni Tamboura, de passage à Paris, a accordé une interview à nos confrères de Radio France internationale(RFI). Nous vous proposons l’entretien.
R.F.I. : Dori, Kaya, Titao, depuis deux semaines, les manifestations se multiplient dans le Nord du pays, au cri de « des morts, des morts, on n’en veut plus ! ». Qu’est-ce que vous répondez au ras-le-bol des populations ?
Ousséni Tamboura(O.T.) : Alors, je veux leur dire que nous entendons ces cris, cette clameur de la population à la suite de la recrudescence des attaques terroristes. Il faut le rappeler, c’est à la suite de l’attaque de Solhan et plus récemment d’une embuscade contre des policiers, que nous sommes entrés dans cette série de marches. Ce cri a été entendu par le président de la République, que vous avez entendu hier apporter sa réponse en disant : « oui, j’entends cela : il ne faut pas se tromper d’ennemi, il faut rester concentrés, résilients et unis. Il y a certainement des choses à améliorer je me suis engagé aussi à les améliorer et je prendrai des décisions dans ce sens, pour faire en sorte que nous puissions venir à bout de ces agressions terroristes contre notre pays ».
R.F.I. : Cette attaque de Solhan, c’était dans la nuit du 4 au 5 juin dernier, on a compté au moins 132 personnes tuées, c’est l’attaque la plus meurtrière depuis 2015. Comment expliquez-vous une telle horreur et que ces villageois aient pu être tués sans qu’on puisse les défendre ?
O.T. : Je ne peux pas me l’expliquer. D’abord, je m’interroge sur la barbarie de l’acte. Comment peut-on tuer 132 personnes qui sont des civils sans armes ? C’est la première fois que nous avons autant de victimes.
R.F.I. : Et qui est responsable de cette attaque meurtrière ?
O.T. : Nous avons situé la responsabilité au JNIM [en français, GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à al-Qaïda].
R.F.I. : Est-ce que la création des supplétifs VDP, les Volontaires pour la défense de la patrie, c’était il y a 18 mois, n’a pas provoqué un cycle de violence et de représailles, qui fait qu’aujourd’hui les terroristes s’en prennent aux villageois soupçonnés de devenir VDP ?
O.T. : Non, c’est mal connaître l’historique des agressions. Revisitez les statistiques historiques ! Il y a eu
des attaques contre des populations paisibles avant la mise en place des VDP. Au contraire, les tueries contre les populations ont pu aussi, entre autres, motiver la création des VDP, puisqu’il faut qu’elles se défendent dans leurs villages.
R.F.I. : En tous cas, ces VDP ne suffisent pas à empêcher les tueries, la preuve !
O.T. : Mais on est dans une guerre, une guerre dure. On peut imaginer que, s’il n’y avait pas eu les VDP, peut-être que le bilan aurait été plus élevé.
Et on a le bilan de ce que les VDP font ! Ils font un travail remarquable, ils ont neutralisé des terroristes, ils ont rapporté des renseignements aux forces armées qui ont pu faire un travail remarquable. Donc je pense que ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est de voir comment on peut renforcer ces VDP en effectifs et en capacité. Ils ont fait d’énormes sacrifices, beaucoup d’entre eux sont morts ! Les populations ont le droit de se défendre.
R.F.I. : Dans sa déclaration de ce dimanche 27 juin, le président a dit que « la tragédie d’une cruauté inouïe perpétrée à Solhan vient nous conforter dans la conviction que le combat contre le terrorisme a pris une nouvelle tournure ».
O.T. : Oui, absolument ! Elle a marqué tous les esprits par sa barbarie, ça veut dire que nous passons à une autre vitesse, à un autre niveau de violence, et ça mérite qu’on réinterroge nos stratégies de réponse. Comment faire pour que cela ne se répète pas ? Il s’agit ici, effectivement, comme l’a dit le président du Faso, de faire en sorte que l’armée soit plus efficace.
Il faut d’abord la rééquiper, ce qui est fait depuis 2016 et depuis 2018, il y a une loi de programmation militaire qui stabilise les ressources budgétaires pour équiper et renforcer les forces armées, ce qui ne s’était jamais passé dans notre pays ! Cela veut dire que, quelle que soit la situation budgétaire du pays, ses ressources sont à la disposition des forces armées et vous pouvez constater les efforts qui sont faits ! Les moyens aériens sont de plus en plus présents !
R.F.I. : Des drones ?
O.T. : Pas des drones, je peux déjà parler des hélicoptères, nous en avons de plus en plus. De plus, des unités spéciales ont été montées et aguerries à ce type de lutte et ainsi de suite. La semaine dernière, avec les forces armées nigériennes, il y a eu des opérations conjointes.
R.F.I. : Aujourd’hui, l’opposition, et notamment le CDP d’Eddie Komboïgo, vous accuse d’être «incapables de trouver des solutions pour la sécurité des Burkinabè ». Le CDP invite les populations à manifester samedi prochain, qu’est-ce que vous répondez ?
O.T. : D’abord ce n’est pas nouveau, nous sortons des élections qui ont eu lieu il y a 6 mois, où chacun avait son programme et l’a présenté aux populations. Le président Kaboré a été réélu avec une forte majorité, Eddie Komboïgo est arrivé deuxième. Je considère que, lorsque nous devons lutter contre le terrorisme, il est
question d’unité nationale et pas de fragiliser la nation. Comme le président l’a rappelé, il ne faut pas se tromper d’ennemi !
R.F.I. : Oui, mais quand il y a le ras-le-bol de la population comme elle s’exprime depuis deux semaines dans plusieurs grandes villes du Nord, est-ce qu’il n’est pas logique que l’opposition se mobilise et appelle à manifester ?
O.T. : Il y a d’autres façons de se mobiliser ! Ils pouvaient se mobiliser en encourageant les populations à s’enrôler dans les Volontaires de défense de la patrie. Ils pouvaient se mobiliser dans la sensibilisation des jeunes à ne pas se laisser enrôler par les terroristes. Donc en tant que citoyen, chacun de nous doit peut-être regarder.
Ce n’est pas en marchant, en faisant de la récupération politique parce que nous avons des élections locales dans quelques mois … Je ne pense pas que ce soit la bonne stratégie. De ce que nous savons de l’histoire des peuples et des nations, quand il y a un péril-majorité comme opposants- en principe, ils font ce qu’on appelle l’union sacrée pour y faire face !
Source : RFI et Sidwaya