La Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) a publié une déclaration dans la soirée du 25 octobre 2024 dans laquelle elle condamne les dérives dans « le discours islamique actuel ». L’heure doit être bien grave pour que la faîtière sorte de son silence contre les dérives dans le discours religieux qui menace la Oumah (communauté) et, partant, la cohésion sociale et la coexistence religieuse au Burkina.
A sa façon, la faîtière des associations islamiques a sonné la fin de la récréation des dérives dans le discours religieux au Burkina. Le présidium et le Collège des oulémas de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) se sont substitués à l’Observatoire national du fait religieux (ONAFAR) créé justement pour veiller, entre autres, sur le discours des différentes confessions religieuses, donner l’alerte en cas de dérives. C’est dire donc que l’heure doit être grave pour que la FAIB se saisisse vraiment de la question.
Il le fallait au regard des invectives, des attaques personnelles, des noms d’oiseaux que se sont échangé des coreligionnaires sur des thématiques dont on devrait faire l’économie en termes de débats parce que sources de mésententes, de divisions. « Nous observons avec inquiétude l’émergence de déviations dangereuses dans le discours religieux », relève la FAIB dans sa déclaration qui ajoute que « ces déviations menacent l’unité de la communauté et alimentent les divisions (fitna) incompatibles avec les principes de notre foi ». Ces attitudes aux antipodes de la nature pacifique, tolérante, de l’Islam ont été amplifiées sur les réseaux sociaux en général et dans la messagerie WhatsApp. C’est à qui s’illustrerait le mieux dans les insanités, le dénigrement de l’autre ou de son courant religieux qu’il a été malheureusement donné de voir et d’entendre. Pourquoi tant de haine entre coreligionnaires, des leaders religieux, sur des points, des dogmes qui existent depuis belle lurette ?
On en viendrait à oublier que tout cela ajoute à une situation nationale difficile à cause du terrorisme. Les auteurs de ces propos haineux, de cette « fitna » (division) par les réseaux sociaux, oublient qu’ils apportent de l’eau, disons plutôt des … munitions aux terroristes avec cette guéguerre malsaine. Au début, les malfaiteurs ont mis la religion musulmane au cœur de leur œuvre maléfique qu’ils ont présentée comme une guerre contre les impies. Fort heureusement, cela n’a pas marché car ils n’ont pas pu entraîner les Burkinabè dans une guerre de religion. Pas plus d’ailleurs dans celle communautaire, un terrain sur lequel ils se sont aventurés également. Malheureusement, les auteurs des dérives verbales risquent de servir la cause des terroristes, de faire le travail de sape à leur place.
La gravité de la situation est telle que la FAIB est allée au-delà de l’indignation et de la condamnation. Elle fait savoir aux prédicateurs, aux imams, aux acteurs de la da’wa (appel), que « toute atteinte aux associations, aux personnalités islamiques, ou à d’autres individus, qu’ils soient vivants ou décédés, par des insultes ou des atteintes à leur dignité est strictement interdite ». Cet « avertissement » est assorti d’une mise en garde contre les récidivistes qui pourraient avoir à répondre de leurs actes en justice. Et pour prendre le problème à bras-le-corps, prévenir d’éventuelles récidives, la faîtière informe dans son communiqué de la mise en place d’un comité de suivi et de vigilance pour « garantir le respect des principes [de l’Islam] et prendre des mesures appropriées contre tout manquement ».
Il reste maintenant à espérer que la FAIB soit vraiment entendue par les auteurs de dérives du discours religieux, musulman notamment. Bon nombre de prédicateurs, d’imams, jouent les conservateurs et refusent de tenir compte du contexte, de l’évolution sociale, dans leurs prêches, leurs sermons. Avec les réseaux sociaux, ces radicaux n’ont pas besoin d’être face à des fidèles dans une mosquée ou lors d’événements sociaux pour distiller leur « venin » de la haine, de la division. Dans leur salon, ils font des vidéos ou des audios, qu’ils envoient dans des groupes WhatsApp de leurs fidèles où, par leur discours virulent, ils peuvent tout remettre en cause, mettre à mal la coexistence pacifique et religieuse.