Des élections générales ont eu lieu en octobre dernier dans deux pays d’Afrique australe : le Mozambique et le Botswana. Leurs résultats ont donné lieu à deux contrastes saisissants de la démocratie. D’un côté, des violences post-électorales meurtrières (Mozambique) et de l’autre, une passation en douce du pouvoir (Botswana).
La démocratie a fait parler d’elle en Afrique australe à la fois en bien et en mal. Elle a renvoyé une mauvaise image d’elle – et apporté de l’eau au moulin de ceux qui la critiquent – au Mozambique avec des violences post-électorales qui ont déjà laissé sur le carreau au moins 30 personnes, selon un décompte du 6 novembre de l’ONG de défense des droits humains Human right watch (HRW). Les résultats provisoires des élections générales du 09 octobre qui donnent le candidat du Front de libération du Mozambique (parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1975, Daniel Chapo, vainqueur de la présidentielle avec plus de 70% des voix passent mal.
Depuis leur publication le 24 octobre, le pays est constamment secoué par des manifestations de l’opposition dont le candidat Venancio Mondlane, crédité de 20% des voix, crie à la fraude et revendique la victoire. Auparavant, deux figures de l’opposition ont été assassinées en pleine rue dans la capitale Maputo le 19 octobre. L’opposant lui-même a dû s’exiler, craignant pour sa sécurité.
L’opposition est confortée dans sa posture de rejet des résultats par des observateurs électoraux qui estiment que le scrutin a été tout sauf transparent. Il en est ainsi de l’ONG Public integrity center qui a qualifié les élections générales du 09 octobre des « plus frauduleuses depuis 1999 ». Des observateurs de l’Union européenne ont affirmé également avoir été empêchés de faire leur travail dans certains districts et provinces ainsi qu’au niveau national. Les esprits n’ont pas attendu la fin de l’examen des recours sur les allégations d’irrégularités par le Conseil constitutionnel avant de s’échauffer. Les résultats définitifs devront être proclamés par cette juridiction à la fin de ce mois de novembre et on se demande s’ils n’en rajouteront pas à une situation déjà délétère. Les manifestations ne repartiront-elles pas de si belle si jamais l’opposition n’obtient pas gain de cause ? Le parti au pouvoir acceptera-t-il de lâcher facilement prise au nom de la paix si les accusations de fraude à son encontre sont avérées ? En attendant, l’opposition met la pression à sa manière à travers des manifestations de rue qui sont violemment réprimées par les forces de l’ordre.
Pendant ce temps, le contraste est saisissant dans un autre pays d’Afrique australe qui a aussi organisé des élections générales. Il s’agit du Botswana où l’opposition a mis fin à l’hégémonie du parti au pouvoir vieille de 58 ans en remportant la majorité absolue de 36 sièges au Parlement contre 4 au Botswana democratic party (BDC, au pouvoir depuis l’indépendance du pays) lors de la présidentielle et des législatives du 30 octobre 2024. Ces résultats envoient du même coup dans le fauteuil présidentiel l’opposant Duma Boko du Umbrella democratic for change (UDC). Avant même la fin de la publication des résultats, le président sortant, Mokgweetsi Masisi, a reconnu sa défaite et félicité son challenger. Toute chose qui a favorisé et facilité la passation du pouvoir avec l’organisation de la cérémonie de prestation de serment le 08 novembre dernier, soit dix (10) après le scrutin. Il n’y a eu aucune contestation, aucune violence, aucune perte en vie humaine.
Au Botswana, le nouveau président a pris fonction et va s’atteler à mettre en place son équipe pour la mise en œuvre de son programme politique qu’il a « vendu » auprès d’un électorat qui avait besoin de changement dans ce pays dont l’économie repose essentiellement sur le diamant. Le nouveau président de 54 ans, avocat spécialiste des droits humains, a d’ailleurs relevé lors de son investiture que « ensemble, nous inaugurons une nouvelle ère politique ». De quoi écrire de belles pages de la démocratie à l’heure où celle-ci est clouée au pilori dans d’autres pays africains en proie à des défis sécuritaires comme le terrorisme.
Malheureusement au Mozambique, on est loin de cette belle symphonie et c’est en lettres de sang que la démocratie s’écrit dans ce pays. L’issue ne peut être que dramatique, chaotique, quand on ruse avec les principes, quand on ne veut pas respecter les règles. Mais pendant combien de temps ceux qui se disent démocrates comprendront-ils cela ?