Les initiatives pour résoudre le conflit à l’est de la République démocratique du Congo (RD Congo) se multiplient. Outre celles qui se mènent sur le continent africain, il y en a aussi en dehors. La preuve a été donnée la semaine dernière avec le Qatar qui, à la surprise générale, a réuni dans sa capitale Doha les présidents congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame. Cette initiative sera-t-elle la bonne par rapport à tout ce qui a été entrepris jusque-là ?
La photo a fait le tour du monde le 18 mars 2025. On y voit les deux chefs d’Etat congolais et rwandais assis face à face, sous le regard de l’Emir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani. Le secret a été bien gardé jusqu’à la publication de cette photo du ministère des Affaires étrangères du Qatar. Incroyable mais vrai ! Félix Tshisekedi et Paul Kagame face à face pour discuter de la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo (RD Congo) alors qu’ils ont passé plus d’un an à s’éviter soigneusement ! C’est pourtant ce qui s’est bien passé alors que l’on se demandait comment ces deux chefs d’Etat, qui se haïssent cordialement du fait de la guerre en question, vont se retrouver un jour sur le sujet. Même les deux organisations régionales, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), ont du mal à les faire asseoir autour de la même table lors de leurs sommets sur cette problématique. Il y a un des deux qui n’est jamais présent physiquement.
Pour une des rares fois, le Qatar a pu réunir les deux sans que l’on ne sache pas pour le moment comment il s’y est pris. Sans doute qu’il ne faudra pas aller chercher loin que ses bonnes relations avec les deux chefs d’Etat. En effet, l’Emirat pétrolier a la particularité d’être en bons termes à la fois avec les deux présidents qui ne cessent de s’invectiver depuis le début de la guerre dont la RD Congo accuse le Rwanda de soutenir la rébellion du M23.
En plus d’avoir l’oreille attentive des deux dirigeants, le Qatar investit indistinctement dans leur pays respectif. Ainsi, Qatar Airways doit prendre 60% de participation dans le futur aéroport de Bugesera et 49% de la compagnie nationale Rwandair.
Avec la RD Congo, il a signé un accord de coopération en 2021 qui prévoit le développement ou la modernisation de plusieurs ports et aéroports congolais. Tout cela ne saurait laisser indifférent un partenaire et confère de la considération, de l’estime. Et c’est sans doute ce dont le Qatar veut en profiter pour amener ses deux partenaires à fumer le calumet de la paix. Quitte à couper l’herbe sous les pays d’un autre pays médiateur, l’Angola. Le 18 mars dernier, jour de la rencontre surprise à Doha, le gouvernement congolais et le mouvement rebelle devaient se retrouver à Luanda pour des négociations. Celles-ci étaient présentées comme les toutes premières car Kinshasa a toujours refusé de négocier directement avec ceux qu’il considère comme des terroristes. Finalement, la rencontre n’a pas eu lieu, pas à cause de celle de Doha. Mais du refus du M23, associé à un autre mouvement, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), de se rendre en Angola en invoquant des sanctions prises contre ses responsables.
Le tête-à-tête de Doha a éclipsé ce camouflet angolais dont le chef de la diplomatie, Tête Antoni, estime que « les problèmes africains doivent avoir des solutions africaines ». Un revers qui ressemble à un retour de bâton si l’on se rappelle que la première médiation du Qatar dans ce conflit en 2023 avait échoué. L’Angola avait été pointé du doigt parce que voulant avoir le leadership après que l’Union africaine (UA) lui a confié le dossier du conflit à l’est de la RD Congo.
Toutefois, le Qatar ne veut pas voir les choses ainsi. Doha présente son initiative comme un soutien aux processus de Luanda et de Nairobi, désormais sous la coordination de l’EAC et de la SADC. Aucun document n’a été signé mais la suite de la rencontre pourrait être la tenue de deux dialogues directs entre Kinshasa et Kigali, d’une part, et entre Kinshasa et l’AFC/M23, d’autre part. L’objectif de la rencontre du 18 mars n’est donc pas de créer un « processus de Doha » mais avant tout de « reconstruire la confiance ». Déjà, et selon ce qui se dit, Paul Kagame et Félix Tshisekedi ont réaffirmé leur engagement en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel.
Sur le terrain, la coalition AFC/M23 a annoncé le 22 mars qu’elle allait se retirer de Walikale-Centre, une localité du Nord-Kivu située à environ 400 kilomètres à l’est de Kisangani, qu’elle occupait depuis le 19 courant, histoire de favoriser un climat propice au dialogue. Toutefois, la situation restait confuse et tendue avec les combattants de l’AFC/M23 qui contrôlaient toujours la ville et l’armée congolaise qui tentait de reprendre la main.
Ce qui compte pour la région des Grands Lacs et des populations meurtries est que la paix revienne peu importe par quelle initiative. Qu’il s’agisse des deux organisations régionales, des chrétiens de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), de l’Angola et maintenant du Qatar, l’essentiel est que les armes se taisent pour de bon. Cela passe par un accord qui mette toutes les parties prenantes au conflit … d’accord pour de bon.