Accueil A LA UNE Guinée-Bissau : Quelle mouche a bien piqué Umaru Sissoko Embalo ?

Guinée-Bissau : Quelle mouche a bien piqué Umaru Sissoko Embalo ?

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Le président bissau-guinéen Umaru Sissoko Embalo s’est rappelé aux souvenirs de beaucoup de personnes cette semaine d’une manière peu recommandable. Il a congédié la mission de paix et de stabilité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui séjournait en Guinée-Bissau. Dans la foulée, il s’est déclaré – contre toute attente – candidat à l’élection présidentielle dont il a décrété la tenue en novembre 2025.

La contestation de l’élection de Umaru Sissoko Embalo lui colle finalement à la peau. Élu le 27 février 2020, il a fallu attendre le mois de septembre de la même année pour que la Cour suprême valide (enfin) son entrée en fonction après des contestations de sa victoire.

Cinq ans après, la fin officielle de son mandat est sujette à débats. L’opposition, sans doute pressée de le voir partir pour avoir notamment dissous, entre temps, l’Assemblée nationale qui ne lui était pas favorable, lui a rappelé que son mandat prenait fin en même temps le mois de février 2025. Toutefois, l’intéressé n’entendait pas les choses de la même oreille.

Certes, il a été élu en février 2020. Mais, il estime qu’il ne faut pas prendre cette date comme le début de son mandat. Pour lui, son mandat a commencé à courir à partir de septembre 2020, soit 7 mois plus tard, après la gestion du contentieux électoral par la Cour suprême. Donc, son bail s’achève officiellement en septembre et non février 2025. Et comme pour mettre fin à la polémique, il a fixé unilatéralement la date du 30 novembre 2025 pour la prochaine présidentielle.

Dans l’optique de prévenir la crise politique qui se profile, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) ont dépêché, le 23 février, une mission politique de haut niveau en Guinée-Bissau. Objectif : appuyer « les efforts des acteurs politiques et des parties prenantes en vue d’un consensus politique sur le calendrier électoral et accompagner la Guinée Bissau avec l’appui technique nécessaire pour un cycle électoral réussi et la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le pays ».

Mais sans que l’on comprenne ce qui s’est passé, la mission a précipitamment plié bagages le 1er mars dernier après des menaces d’expulsion proférées par le chef de l’Etat qui a pourtant reçu ses membres en audience. Il a donné plus tard une justification de ce qui est arrivé à la mission conjointe de la CEDEAO et de l’ONU. « Je voudrais vous dire que toutes les décisions de la CEDEAO sont prises par les chefs d’Etat. Les Guinéens ont grandi maintenant », fait-il savoir avant d’ajouter, fier de lui : « C’est moi qui ai donné l’ordre d’expulser cette mission. C’est moi qui les ai chassés d’ici. »

Comme s’il avait décidé de boire le calice jusqu’à la lie, l’ancien Général de l’armée bissau-guinéenne a annoncé sa candidature à la présidentielle à venir. Pourtant, en septembre 2024, il avait déclaré qu’il ne serait pas candidat après avoir écouté son épouse. Aujourd’hui, tout cela n’engage que ceux qui y avaient cru : le président sortant est candidat et assure gagner au premier tour. Il est candidat sans même que les trois opposants, à qui il avait dénié le droit de briguer la magistrature suprême, aient manifesté leurs intentions présidentielles. La préoccupation de ces derniers est de faire partir le sortant après la fin de son mandat. Ils promettent des actions comme la paralysie du pays pour parvenir à leurs fins.

Au regard de tout ce qui précède, on se demande quelle mouche a bien piqué Umaru Sissoko Embalo pour qu’il… s’emballe de la sorte. Le plus surprenant dans son attitude est la mise à la porte de la mission de la CEDEAO. Une organisation sous régionale dont il a assuré, il n’y a pas longtemps, la présidence tournante. A ce titre, on se rappelle qu’il était venu au Burkina, après le coup d’Etat du MPSR II, pour appeler à l’organisation d’élections pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal. On se rappelle également qu’il avait déconseillé au président ivoirien Alassane Ouattara de briguer un autre mandat à la présidentielle d’octobre 2025.

Aujourd’hui, il ne s’applique pas à lui-même ce conseil qu’il donnait à son « père ». Un vrai paradoxe. Mais on ne se préoccuperait pas s’il ne s’agissait que du seul parjure, un de plus en Afrique où les présidents sortants s’accrochent au pouvoir même quand la Constitution ne le permet pas. On s’inquiète de la déflagration qui pourrait survenir dans ce pays habitué à l’instabilité politique. C’est ce que la CEDEAO veut prévenir à travers sa mission qui s’est terminée en queue de poisson. Quelle assurance Umaru Sissoko Embalo a-t-il que tout se passerait selon sa volonté ? A-t-il reçu des garanties, des promesses de soutien de pays comme la Russie et/ou la France où il s’est rendu en visite avant de faire sa déclaration de candidature ? Sans doute oui si on se réfère à la déclaration de Vladimir Poutine qui a souhaité qu’il soit élu au prochain scrutin.

Pour le moment, on en est réduit à des questionnements avec l’espoir que la raison finira par prévaloir. Par tous les moyens, il faudra prévenir la crise socio-politique en gestation plutôt que de courir après pour la régler. Il y va de la stabilité en Afrique de l’Ouest en cette année électorale en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire avec leur lot d’inquiétudes.

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