Ce Mercredi 14 avril 2021 s’est tenue la septième audience du procès du prétendu responsable des exactions de la crise post électorale à Duékoué. L’audience du jour a été meublée par la plaidoirie de la partie civile ,le réquisitoire du procureur puis la plaidoirie du conseil de l’accusé.
Le juge président a appelé à la barre Amadé Ourémi puis a donné la parole à l’avocat de la partie civile. A l’entame de ses propos Me Sangaré Pongatié a affirmé représenter des organisations de défense des droits de l’homme que sont la LIDHO, le MIDH,et le FIDH ainsi que les 34 victimes sur les 82 annoncées. Selon lui,en juin 2013, M. Amadé Ourémi a déclaré devant le juge d’instruction que Coulibaly de kouibly dit “Coul”l’aurait sollicité alors qu’il était déjà à la tête de 126 hommes.
Pour le représentant de la partie civile, ces propos révèlent que l’accusé n’était pas qu’ un simple élément mais plutôt l’un des chefs. Par ailleurs, le massacre de Duékoué serait une réponse au slogan utilisé par Laurent Gbagbo lors de la campagne présidentielle de 2010 à savoir « il y a rien en face c’est mais » slogan auquel M. Amadé aurait répondu en ces termes « je vais descendre au quartier carrefour, je vais le brûler et y planter du maïs », à la suite de quoi, les Guérés du quartier carrefour ont été massacrés.
Pour l’avocat de la partie civile, le fait que M. Amadé ait reconnu sa participation aux massacres, suffit pour établir sa culpabilité. Il requiert donc une condamnation solidaire de M. Amadé ainsi que de celui de l’Etat de Côte d’ivoire qui aurait échoué dans son rôle régalien de protection de sa population. Pour ce faire, il réclame pour ses clients des dommages et intérêts allant de 10 à 150 millions de francs CFA. A sa suite Me Assa, membre de l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI) agissant au nom et pour le compte de deux victimes, a basé sa plaidoirie sur les violences sexuelles et la cruauté dont a fait preuve l’accusé envers les femmes.
Elle soutient que M. Amadé a reconnu sa culpabilité devant toute l’assemblée à travers ces propos : « Pourquoi suis-je le seul accusé ? Nous tous on a fait mauvais ». Poursuivant, elle a interpellé le tribunal sur le rôle des forces en présence à savoir l’ONUCI et la Licorne qui auraient assisté avec passivité aux massacres des populations du quartier carrefour de Duékoué. Elle requiert pour les victimes qu’elles représentent, 1 francs symbolique pour l’une et 100 millions de francs CFA pour l’autre.
A son tour, le Procureur Kouassi Ernest dans ses propos liminaires a décliné les chefs d’accusation qui pèsent sur l’accusé. Il a ensuite fait référence aux rapports accablants produits par les organisations des Droits de l’Homme qui retracent les exactions commises par M. Amadé. Il a souligné également, par peur de représailles, certaines victimes auraient refusé de comparaître. Poursuivant son requisitoire, le Procureur s’est appesanti sur le témoignage des femmes violées dont les maris et les enfants de sexe masculin auraient été tués.
En s’appuyant sur l’article 137 du code pénal qui définit le crime contre l’humanité, le Procureur s’est efforcé de démontrer au tribunal la culpabilité de l’accusé. Selon lui, M. Amadé a été un chef de « jure et de facto » et cela, depuis 2005 cdonc bien avant les exactions de 2011. Sa stratégie visant à encercler le quartier Carrefour de Duékoué avant la perpétration des crimes, répondait à son intention de ne laisser aucun survivant.
Pour preuve, les tueries ciblant les Guérés ont été systématiques. Par conséquent, sa responsabilité en tant que chef devrait être retenue pour les massacres de Duékoué. Comme sanction, il a requis la condamnation à perpétuité ainsi qu’une amende d’un (1) milliard de francs CFA. Toutefois sa condamnation doit être solidaire de l’Etat de Côte d’Ivoire. A l’opposé du Procureur, Me Roseline Serikpa avocate de la Défense a déploré le fait que les personnes nommément citées par son client en l’occurrence les sieurs Losséni Fofana et Coulibaly de Kouibly, n’aient pas fait l’objet d’une comparution lors des différentes audiences ce qui aurait pourtant contribué à la manifestation de la vérité.
Elle a également souligné le fait que son client n’ait jamais nié les faits mais ait plutôt soutenu avoir été depuis le début un simple élément qui aurait été instrumentalisé, sacrifié durant cette guerre au profit d’intérêts politiques de certaines personnalités du pays. Poursuivant sa plaidoirie, l’Avocate de M. Amedé a affirmé que le Commandant Losseni Fofana ainsi que Coulibaly de Kouibly lui aurait été demandé de protéger sa communauté burkinabé qui serait victime d’exactions de la part des Guéré. Pour elle, les bonnes questions n’ont pas été posées :
Qui a fourni à Amadé les armes de guerre ainsi que les tenues de FRCI qu’il portait ? A qui profitent ses exactions ? Pourquoi la Licorne et l’ONUCI n’ont pas arrêté ces massacres ? Ce sont autant de zones d’ombres qui continuent de planer sur ce procès. Elle a aussi présenté des photos au tribunal sur lesquelles on voit son client arborer fièrement la tenue militaire des FRCI, soit aux côtés des forces Onusiennes soit au côté de Losseni Fofana qui pourtant a nié lors de son audition ne pas le connaître. Selon Me Roseline son client devrait pouvoir bénéficier de circonstances voire même d’excuses atténuantes. Aussi, a-t-elle invoqué la responsabilité solidaire de l’Etat de Côte d’Ivoire, L’ONU et même de la France.
Le procès a pris fin à 17h25 et a été reporté pour le verdict au jeudi 15 Avril 2021. L’OIDH félicite le tribunal ainsi que le Ministère de la Justice pour la dextérité et l’efficacité avec laquelle ce procès a été mené. L’OIDH déplore toutefois le rejet de la requête formulée par la défense visant la comparution du colonel Losseni Fofana et de Coulibaly de Kouibly pour la manifestation de la vérité. L’OIDH exhorte donc le gouvernement ainsi que le Ministère public à fournir plus d’efforts afin de permettre la manifestation de la vérité.
Source :Afrik soir