Accueil A LA UNE Retour de l’AES dans la CEDEAO : John Dramani Mahama évite de...

Retour de l’AES dans la CEDEAO : John Dramani Mahama évite de marcher sur des œufs

0

Le président ghanéen John Dramani Mahama a bouclé, le 10 mars 2025, la tournée qu’il a entreprise, deux jours plus tôt, dans les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Alors qu’on l’attendait beaucoup sur le sujet du retour de ces pays dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le n°1 ghanéen a préféré renforcer la coopération entre le Ghana et le trio en rupture de ban.

« Si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ». Le tout nouveau président ghanéen John Dramani Mahama a fait sienne cette sagesse populaire dans sa tournée dans les trois pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) à savoir le Burkina, le Mali et le Niger. En visite en Côte d’Ivoire le 5 mars dernier, le président ivoirien Alassane Ouattara avait demandé à son homologue ghanéen d’user de sa proximité avec les chefs d’Etat de l’AES pour les convaincre de revenir dans le giron de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « Nous vous faisons confiance, Monsieur le Président, pour que, à l’occasion de vos entretiens avec ces pays frères, vous puissiez les convaincre de rester dans la CEDEAO car il y va de l’avenir des peuples de l’Afrique de l’Ouest », avait-il formulé à l’endroit de son hôte avant d’ajouter que « nous sommes mieux à 15 qu’à 3 ».

Depuis lors, on se demandait comment John Dramani Mahama allait s’y prendre pour ne pas froisser ses homologues de l’AES avec qui il entretient de bons rapports. En effet, c’est de notoriété publique que ces derniers affirment à qui veut l’entendre que leur retour dans la CEDEAO est non négociable, non envisageable. Et comme pour montrer qu’ils sont au sérieux, les trois pays ont commencé à mettre en place des instruments relatifs à leur organisation commune. On peut citer, par exemple, le passeport de l’AES, le logo et, tout récemment, le drapeau de l’AES. D’ailleurs, dans chacun des trois pays, le président ghanéen a même posé avec ce drapeau en arrière-plan. Dès lors, John Dramani Mahama savait qu’il marchait sur des œufs s’il voulait exécuter la mission à lui confiée. N’empêche, il a essayé dès la première étape de sa tournée, au Mali, le 8 mars.

A l’issue de sa visite, il a déclaré que la Confédération des Etats du Sahel est une entité qui « existe et qui est irrévocable ». Avec cette donne, il a décidé de travailler plutôt à l’existence de relations dignes de ce nom entre la Confédération et la CEDEAO. Au lieu d’une hypothétique réintégration, le n°1 ghanéen va œuvrer à rapprocher les deux institutions.  « Le Ghana, à travers ma personne, a pris l’engagement de poursuivre l’appui à la Confédération et de travailler à faire en sorte à ce qu’il existe des relations entre l’AES et la CEDEAO dans notre espace ouest africain », a-t-il fait savoir à l’étape de Bamako.

Changement de fusil d’épaule

Après le Mali, John Dramani Mahama n’a plus évoqué officiellement le retour de l’AES dans le giron de la CEDEAO avec ses homologues des deux autres pays. La preuve est l’occultation du sujet dans les déclarations à la fin des visites ou dans les communiqués conjoints. Ainsi, il est ressorti de la visite au Niger que les deux parties ont réaffirmé leur volonté de renforcer les relations de fraternité et de coopération qui unissent le Ghana et le Niger depuis leur accession à l’indépendance. Dans un communiqué lu à la télévision d’État, les autorités nigériennes font savoir que les deux présidents ont affirmé leur volonté de renforcer les relations d’amitié et de coopération entre leurs pays dans les domaines politique, économique et sécuritaire. Des observateurs ont relevé l’absence d’allusion à « la rupture entre la CEDEAO et les régimes militaires malien, nigérien et burkinabè, ni à un éventuel dialogue pour leur retour dans l’organisation » à cette deuxième étape de la tournée.

Au Burkina, il a été noté que les deux chefs d’État ont passé en revue les relations entre le pays des Hommes intègres et le Ghana. Le président du Ghana, John Dramani Mahama, a insisté sur la nécessité de mutualiser les efforts pour combattre ensemble le « cancer » du terrorisme.

A l’évidence, le président ghanéen a évité de marcher sur des œufs par rapport au retour de l’AES dans la CEDEAO. Il a changé son fusil d’épaule en parlant plutôt de rapprochement, de collaboration entre les deux organisations. Il a profité aussi de la tournée pour renforcer la coopération entre le Ghana et les pays de l’AES dans divers domaines.

Au Mali, il a été question de collaboration en matière de défense et de lutte contre le terrorisme.  « Nous avons échangé afin de voir ensemble dans quelle mesure nous pouvons mutualiser nos efforts afin de lutter efficacement contre le terrorisme dans la sous-région », a laissé entendre le président Mahama sur les bords du Djoliba.

Au Niger, le visiteur et son hôte ont exprimé leur engagement à dynamiser la coopération bilatérale, notamment dans les domaines politique, économique, scientifique et culturel, afin de répondre aux aspirations de leurs peuples respectifs en matière de paix, de sécurité et de développement. La menace terroriste dans la région du Sahel et en Afrique de l’Ouest a été aussi évoquée. Sur la question, les deux chefs d’État ont souligné l’urgence de renforcer la collaboration sécuritaire pour combattre ce fléau qui compromet les efforts de développement dans la sous-région. La visite s’est conclue par une invitation du président nigérien, le Général Abdourahamane Tiani, à se rendre au Ghana.

Au Burkina, les relations avec le Ghana ont été aussi passées en revue. L’accent a été mis sur la nécessité de mutualiser les efforts pour combattre ensemble le « cancer » du terrorisme. L’accroissement des échanges commerciaux et le renforcement de la coopération économique entre les deux pays ont été des sujets abordés. « Notre objectif est de fluidifier la libre circulation des biens et des personnes et de faciliter le transit des biens et marchandises du Burkina Faso à partir du corridor du Ghana », a fait savoir le président ghanéen. Sa visite au pays des Hommes intègres a eu comme retombées immédiates le renforcement de la liaison aérienne entre Ouagadougou et Accra avec l’ouverture prochaine d’une ligne directe par une compagnie locale ghanéenne. Il y a aussi la fourniture d’électricité au Burkina et la probabilité de l’extension au territoire burkinabè de la construction du gazoduc Accra-Bolgatenga.

Comme on le voit, les négociations pour le retour de l’AES dans la CEDEAO avec John Dramani Mahama vont devoir attendre. La complexité du sujet nécessite sans doute une autre approche que celle faite au vu et au su de tout le monde. Vraisemblablement, le président ghanéen l’a compris avec sa tournée dans les pays de l’AES et il ne manquera pas de le faire savoir à ses pairs de la CEDEAO.

 Save as Image