Aujourd’hui 15 octobre 2024 marque le 37e anniversaire de l’assassinat du père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, et de ses douze compagnons d’infortune. Cet anniversaire intervient pour la première fois, au dernier jour de la 2e phase des Journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne (JEPPC). Ce sera l’occasion de «clore en beauté » deux semaines d’activités en hommage à Thomas Sankara.
Il n’y a plus de doute. Le chef de l’Etat burkinabè, le Capitaine Ibrahim Traoré, se veut l’héritier d’un de ses prédécesseurs à cette haute fonction, qui a été aussi capitaine comme lui, à savoir feu Thomas Sankara. Des paroles au début à son arrivée au pouvoir, il est passé aujourd’hui aux actes dans sa volonté de réhabiliter le père de la Révolution d’août 1983, de poursuivre et de parachever son œuvre. C’est ce qu’il faut percevoir avec l’instauration en novembre 2023 des Journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne (JEPPC). Celles-ci sont destinées à être célébrées chaque année durant deux semaines en deux phases. La première phase débute chaque 26 mars et la seconde, le 02 octobre.
Le choix de ces deux dates est loin d’être fortuit. La première renvoie au discours prononcé par Thomas Sankara, alors Premier ministre du Président Jean-Baptiste Ouédraogo, dans lequel il s’interrogeait sur les ennemis du peuple. La seconde date se rapporte à un autre discours du père de la Révolution burkinabè. Il s’agit cette fois du Discours d’orientation politique (DOP) prononcé par le même Thomas Sankara le 02 octobre 1983 en tant que chef de l’Etat de l’ex-Haute Volta. « Ces dates ont été choisies pour que durant 15 jours, les Burkinabè puissent d’une part, faire une introspection, et d’autre part, poser des actes patriotiques parce que le combat qu’a mené le Capitaine Thomas Sankara est un combat qui devrait permettre au Burkina Faso d’être libre, d’être souverain, d’être respecté, d’être indépendant », a fait savoir le Capitaine Ibrahim Traoré dans son message à l’occasion de la première phase desdites journées. En mars dernier, les Burkinabè ont pensé et agi en hommage à l’idole de beaucoup d’entre eux et d’autres personnes hors de leur pays et du continent africain.
En ce mois d’octobre 2024, le couvert a encore été remis à la faveur de la 2e phase des JEPPC qui se déroule du 02 au 16 octobre sous le thème « Pour une nation forte et souveraine, ne trahissons pas notre patrie ! ». Ce que l’on peut considérer comme le clou de cette 2e phase est la commémoration des événements tragiques du 15 octobre 1987. Le 15-Octobre de cette année va donc coïncider avec les premières JEPPC. Déjà, on a vu le Premier ministre Appolinaire Kyelem de Tambèla aller inaugurer du graffiti au pied du rond-point du 2-Octobre à Ouagadougou, non loin de l’ex-Place de la Révolution rebaptisée aujourd’hui Place de la nation. Il en a profité pour remettre des exemplaires du DOP à la Gendarmerie nationale. Ce jour-là également l’intégralité de ce discours lu pendant une demi-heure par Thomas Sankara a été rediffusée à la télévision et à la radio nationales. Et pour le 15-Octobre de cette année, on est parti encore pour une mobilisation du gotha de la république pour une commémoration officielle et solennelle du 37e anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons d’infortune sur le lieu même du crime à savoir l’antre du Conseil de l’Entente. Fini donc les commémorations réduites aux compagnons rescapés et des collaborateurs restés fidèles, aux sympathisants, aux politiciens qui essaient de perpétuer la mémoire du héros national (les Sankaristes) ! La commémoration du souvenir de ces martyrs est désormais l’affaire de l’Etat, le même qui a été longtemps indifférent à ce drame quand il était dirigé par des personnes accusées d’en être l’auteur.
En dehors de la première Transition de 2015, Thomas Sankara n’a autant été omniprésent dans l’esprit des Burkinabè, dans les faits, les discours et les gestes des dirigeants. Le Premier ministre Kyelem a même dédicacé la semaine écoulée son ouvrage « Thomas Sankara et révolution au Burkina Faso : expérience du développement égocentrique » traduit en russe. Le père de la Révolution a été réhabilité et est devenu une source d’inspiration en haut lieu.
Tout cela tranche avec l’entreprise d’effacement ou de souillure de sa mémoire, la chape de plomb sur sa vie et ses œuvres, le tabou autour de son nom imposé par le régime de son ami, compagnon d’armes et tombeur Blaise Compaoré. Finalement, Thomas Sankara est comme le soleil que l’on ne peut cacher, l’huile qui remonte toujours à la surface après avoir été versée dans l’eau.