« Assises nationales sur la Transition : la balle est dans le camp du gouvernement », ainsi titrons-nous notre commentaire à la suite du vote, le 26 avril dernier par l’Assemblée législative de Transition (ALT), de la proposition de loi portant accord de la représentation nationale pour l’organisation d’assises nationales sur la Transition. Aujourd’hui, on se rend compte que le gouvernement n’a pas attendu longtemps pour jouer la balle, pour jouer sa partition.
Dans un communiqué lu dans la soirée du 14 mai 2024 sur les antennes de la Télévision nationale du Burkina (TNB), le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) a fixé les dates des assises nationales sur la Transition pour les 25 et 26 mai 2024 à Ouagadougou. Les forces vives de la nation à savoir les organisations de la société civile (OSC), les partis politiques, les forces de défense et de sécurité (FDS), etc. s’y retrouveront pour décider du sort de la Transition. Dans une interview accordée à la chaîne nationale, le ministre Emile Zerbo précise que les assises à venir seront l’occasion de « faire le bilan de la Transition et voir s’il faut donner une suite à la Transition.
Il faut dire qu’elles (forces vives) ont la possibilité d’apporter des modifications à la Charte afin de définir les contours de la marche du pays ». Après le 14 octobre 2022, les Burkinabè vont être à nouveau au chevet de la Transition ouverte en janvier 2022 avec le coup d’Etat de la première version du Mouvement du peuple pour la sauvegarde et la restauration (MPSR 1).
Avec les assises qui vont se tenir à plus d’un mois avant la fin de la Transition, le Burkina évite de commettre l’erreur du Mali. En effet, au pays de Modibo Keita, les autorités militaires ont laissé couler le délai de la Transition, fixée par décret au 26 mars dernier, sans poser le moindre acte : pas de texte pour proroger le délai ou de convocation des forces vives pour décider du sort de la Transition.
Conséquence : des partis politiques ont crié à un vide institutionnel et saisi la haute juridiction du pays pour faire constater ledit vide et déclarer les autorités en place illégitimes. Les choses ont été plus ou moins rattrapées avec le dialogue national malien dont les conclusions ont été livrées récemment avec, comme entre autres recommandations, la prorogation du délai de la Transition pour une durée comprise entre 3 et 5 ans.
Beaucoup d’observateurs ont coutume de dire que le Burkina aime prendre exemple sur ce qui se passe au Mali. Et très rapidement on s’est mis à se demander si les autorités de Ouagadougou ne vont pas aussi faire la même chose que sur les bords du Djoliba. Mais cette fois, elles ont décidé de faire autrement. Ce ne sera pas un dialogue national étalé dans le temps, mais de nouvelles assises. A priori, cela permet de se mettre à l’abri de problèmes juridiques comme le vide institutionnel, d’un bras de fer autour de celui-ci, de prises de mesures draconiennes comme ce que l’on a vu au Mali avec la suspension des partis politiques, etc. Avec les assises, les participants auront donc l’occasion d’exposer leurs arguments en faveur ou contre la prorogation de la Transition sans invectives, sans avoir à bander les muscles. Et il reviendra à la majorité de décider de façon souveraine.
En gardant le même format que les assises d’octobre 2022, les organisateurs tiennent à leur caractère inclusif. N’empêche que cette fois, il y a une incertitude sur la participation des partis politiques. Au fur et à mesure que la Transition tire à sa fin, des acteurs politiques demandent la levée des suspensions des activités de leurs cadres de regroupement (en vigueur depuis fin septembre 2002) pour qu’ils puissent débattre, se concerter sur leur participation aux assises. Vont-ils faire de cette levée une condition sine qua none, un préalable non négociable de leur venue aux assises ?
Aussi certains d’entre eux demandent aux organisateurs d’éloigner les soutiens du régime en place, les fameux wayiyan, du Centre international des conférences de Ouaga 2000 où auront lieu la rencontre pour éviter qu’ils ne perturbent les travaux comme ce fut le cas lors des assises d’octobre 2022. Obtiendront-ils gain de cause ? Le gouvernement pourra-t-il faire entendre raison à ces soutiens qui, eux aussi, donnent de la voix à travers des manifestations pour demander la prorogation de la Transition avec le capitaine Ibrahim Traoré toujours aux commandes ? En attendant, il faut saluer la tenue de ces assises nationales, les troisièmes du genre depuis le coup de force de janvier 2022.