Ceci est une déclaration du comité de pilotage du centre de presse Norbert Zongo à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de presse, célébrée chaque 3 mai dans le monde entier
Messieurs, les membres du gouvernement
Chers consœurs, chers confrères,
Hier lundi 02 mai 2022, alors que nous nous activions pour la cérémonie de ce matin, nous avons appris à travers une publication sur le site de la Radio France Internationale que la procédure d’extradition de monsieur Paul François Compaoré, pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme est à une étape décisive. En effet, la France aurait transmis à la Cour le 30 janvier dernier un document indiquant que toutes les garanties de l’extradition de M. Paul François Compaoré au Burkina Faso sont réunies et que de ce fait, il peut bel et bien être extradé.
La même publication nous renseigne que depuis le 23 mars, à la suite du coup d’État du 24 janvier 2022, la France a demandé aux nouvelles autorités du Burkina de confirmer les garanties précédemment données par le Burkina Faso afin de pouvoir extrader M. Paul François Compaoré.
Mais selon certaines informations qui nous sont parvenues, les autorités de la Transition n’ont pas encore apporté de réponses à cette correspondance française alors que le délai expirerait aujourd’hui 3 mai 2022.
Le Centre National de presse Norbert Zongo était très préoccupé par cette information et voulait en savoir davantage.
C’est ainsi qu’au cours de la journée du 02 mai, nous avons entrepris des démarches auprès de nos autorités pour avoir de plus amples informations. Car pour nous, si ce manquement se confirmait et venait à avoir une influence négative sur l’extradition de monsieur François Compaoré, nous tiendrons le gouvernement de la Transition et le Président Paul Henri Sandaogo DAMIBA entièrement responsable et en tirerons toutes les conséquences.
Ce matin même, avant de venir dans cette salle, le Centre National de Presse Norbert Zongo, en compagnie des avocats en charge du Dossier Norbert Zongo, du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples, du Collectif des organisations de masse et de partis politiques, du balai Citoyen, de la CGTB, du Mouvement Sens, etc. avaient décidé de se rendre physiquement au cabinet du ministre en charge de la justice, non seulement pour déposer une lettre officielle auprès du ministre mais aussi et surtout de s’assurer que des mesures ont été prises et que si ce n’était pas le cas, il disposait encore de cette journée pour le faire. Mais les autorités nous ont rassuré d’abord verbalement, ensuite un communiqué a été publié à cet effet, signé du ministre Porte-parole du gouvernement M. Bilgo Lionel. indiquant que le ministre en charge de la justice a communiqué à qui de droit et à bonne date toutes les réponses aux questions qui lui ont été posées dans le cadre de l’affaire Norbert Zongo. Ils nous ont aussi assuré que le Ministre de la justice sera là en personne avec nous pour confirmer de vives voix ces éléments d’informations. Monsieur Barthélemy Kéré est effectivement là en personne, accompagné de ses collègues ministre porte-parole du gouvernement M. Lionel Bilgo, de la Ministre en charge de la Communication Madame Valérie Kaboré, notre ministre de tutelle, du ministre en charge de la Fonction publique, M. Bassolma Bazié, un défenseur de la liberté d’expression et de presse, qui a toujours été à nos côtés pour le combat, merci pour tout, camarade combattant. Nous avons à nouveau échangé tout à l’heure avant d’arrivé dans cette salle. Ils nous ont rassuré, que le dossier a été transmis à bonne date aux autorités françaises. Je dois dire que tout est rentré dans l’ordre, ils nous ont rassuré. Les doutes ont été levé. Merci chers ministres, pour votre promptitude, votre disponibilité et votre présence à nos côtés ce matin. Je note aussi à nos côtés la présence de l’état-major de la communication de notre armée, le Colonel Ouili et le Commandant Dakissaga. Merci à tous d’avoir honoré les hommes et femmes de médias de notre pays par votre présence.
En tous les cas, nous exhortons les autorités de la transition à poursuivre la dynamique pour ne pas ruiner les 24 ans de sacrifices du peuple burkinabè et africain en faveur de la justice pour Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune.
Mesdames, messieurs
Le journaliste Norbert Zongo a été un des symboles forts de la liberté de la presse au Burkina Faso et à travers le monde. Aujourd’hui 3 mai 2022, la communauté internationale célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse. Fidèle à sa tradition, le Centre national de presse Norbert Zongo en collaboration avec les médias, l’ensemble des organisations professionnelles des médias et ses partenaires traditionnels sacrifie à la tradition pour apprécier et évaluer l’état de la liberté de presse au Burkina Faso en faisant un état des lieux des avancés et /ou des reculs constatés. Le 03 mai est aussi une occasion pour nous d’encourager et de féliciter les défenseurs de la liberté, de blâmer les fossoyeurs, il n’en manque pas malheureusement, d’interpeller les autorités sur leur part de responsabilité et d’appeler notre peuple, source réel du pouvoir et de toutes les libertés, à rester débout, à maintenir et à accroitre sa vigilance en faveur de la liberté de la presse et des libertés en générale.
Cette année, la célébration du 03 mai intervient dans un contexte politique particulier au Burkina Faso. Notre pays a connu le 24 janvier dernier un arrêt brutal de son processus démocratique. Des militaires organisés au sein du Mouvement Patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) se sont emparés du pouvoir et mis en place une Transition et contrôle l’essentiel des pouvoirs.
Lors de sa première sortie officielle, le Président, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba avait promis que les libertés individuelles et collectives seront garanties. Malheureusement, à la pratique, les journalistes et les démocrates burkinabè constatent des velléités de musellement, des tentatives d’intimidations et des attitudes tendant à remettre en cause les acquis de plusieurs décennies de luttes et de sacrifice. Heureusement, ces derniers jours, après que nos organisations ont donné de la voix pour exprimer leurs inquiétudes quant aux atteintes graves à la liberté d’expression, les autorités en place nous ont rassuré sur leur volonté de garantir les libertés, et qu’elles ne souhaitent en aucun cas ramener notre pays en arrière sur les questions de liberté.
Mesdames et messieurs,
Nous prenons acte de ces garanties que nous donnent les autorités. Nous les encourageons à aller dans ce sens, à soutenir les médias, à accompagner les organisations professionnelles des médias, à nous aider à l’assainissement du secteur, à sa structuration en vue de l’élargissement des espaces de liberté, de l’approfondissement du professionnalisme, du renforcement de la démocratie, et de l’enracinement de l’état de droit. Dans tous les cas, nous resterons vigilants et alertes, tout en étant prêts à engager toutes nos énergies dans des batailles pouvant nous garantir ce droit minimum qu’est la liberté de parole.
Nous profitons de cette journée qui nous est dédiée, pour saluer les efforts de tous les hommes et femmes de médias du Burkina Faso qui malgré des conditions de vie et de travail extrêmement difficiles, se battent nuit et jour pour que leurs concitoyens puissent avoir accès à des informations diversifiées, plurielles, équilibrées, justes et saines. Nos encouragements vont également aux responsables des médias, qui malgré les situations politique, sécuritaire, économique et sociale difficiles que traverse le Burkina Faso, ont su maintenir le cap du professionnalisme.
A tous ces journalistes, caméramans, photographes, techniciens qui s’ouvrent à nous, qui nous partagent leurs anxiétés, leurs peurs, leurs difficultés, leurs souffrances quotidiennes, nous leur disons que nous comprenons leur situation, que nous compatissons et que nous continuerons à interpeller les autorités ainsi que les responsables des médias sur la précarité qui sévit dans notre milieu et la nécessité pour chaque acteur d’assumer sa part de responsabilité. La proximité de date entre la journée mondiale de la liberté de la presse et de la journée internationale du Travail doit nous interpeller à juste titre sur les conditions particulièrement difficiles des travailleurs des médias. Travaillant souvent sans contrat, sans cotisation sociale, sans salaire, payé au lance-pierre et abonné tristement et malheureusement aux subsides des organisateurs d’évènements, les journalistes burkinabè présentent un visage qui n’honore pas notre pays et qui contraste avec la qualité des contenus professionnels et le niveau de liberté de presse qu’atteint notre pays. Si rien n’est fait, concernant les conditions sociales et le plus urgemment possible, il faut craindre que cela affecte dangereusement les pratiques professionnelles et gangrène les contenus des médias. Faut6il le rappeler, le Burkina Faso a adopté depuis 2009, une convention collective des travailleurs des médias. Plus de dix ans après, et alors que les barèmes sont largement dépassés et méritent d’être mis à jour, seulement 48, 14% des journalistes affirment que leur médias applique la convention collective et cela partiellement. Moins d’un média sur 4 applique entièrement la Convention collective, selon une étude sondage du Centre de presse réalisée en 2019. C’est un bien triste constat qui nous appelle au sursaut.
Pour avoir une démocratie forte, des institutions fortes et stables, il nous faut nécessairement avoir des médias puissants et des journalistes compétents. C’est pourquoi, nous en appelons une fois de plus, à la tenue des Assises du journalisme dans notre pays, afin que les problèmes qui minent le secteur des médias et qui bloquent l’épanouissement des hommes et femmes de médias puissent être débattus et espérer y apporter des réponses satisfaisantes pour le bonheur de toutes nos populations, car une presse malade, à des conséquences sur sa population.
En attendant, nous invitons les journalistes à poursuivre leur engagement à toujours faire jaillir la vérité sur les phénomènes de corruption, de malversations financières, de détournements des deniers publics, etc. qui annihilent les efforts de développement de notre pays.
Mesdames, messieurs
Cette année, l’UNESCO a choisi comme thème : “Le journalisme sous l’emprise du numérique”. En choisissant ce thème, la Journée mondiale de la liberté de la presse souhaite traiter la question de l’impact de l’ère du numérique sur la liberté d’expression, la sécurité des journalistes, l’accès à l’information et à la vie privée.
Il s’agit de mettre l’accent sur les développements récents en matière de surveillance par des acteurs étatiques et non étatiques, ainsi que la collecte du big data et de l’intelligence artificielle (IA), qui ont un impact sur le journalisme, la liberté d’expression et la vie privée. Seront également mis en exergue les défis associés à la viabilité des médias à l’ère du numérique, et les menaces à la confiance du public qui découlent de la surveillance et des attaques de journalistes par voie numérique, ainsi que les conséquences de tout cela sur la confiance du public dans les communications numériques.
Comme chaque année, en plus du thème International, le CNP-NZ choisit toujours un thème spécifique qui concerne l’actualité des médias du Burkina. Cette année, le CNP/NZ a choisi de rester collé thème mondial mais en le traitant sous l’angle des problématiques locales, liées aux médias burkinabè d’où le thème : « Les médias burkinabè face à la révolution numérique : comment mourir pour mieux renaitre ?».
Je voudrais me garder de faire des développements sur le thème pour la simple et bonne raison qu’il fera l’objet d’un panel tout à l’heure avec des personnalités averti de notre monde. Comme vous pouvez le comprendre aisément, à la lecture du thème, il s’agit pour nous de débattre sur la menace que fait peser la révolution numérique sur les médias, tous supports confondus. Ce qui est certain, c’est qu’il y a urgence à sauver nos médias. La recette qu’entrevoit le Centre de Presse, c’est que nous apprenions ensemble comment on pourrait mourir pour mieux renaître. C’est d’agir à l’image de la graine qui mise au sol comme semence, se voit détruite pour laisser sortir une jeune pousse qui portera patiemment et obstinément de meilleurs fruits et graines en quantité et en qualité.
Mesdames, messieurs,
La commémoration de la 29e Journée mondiale de la liberté de la presse se tient dans un contexte où le Burkina Faso a reculé au plan de la liberté de la presse.
En effet, selon le classement mondial 2022 de Reporter Sans Frontière (RSF), en Afrique, notre pays se positionne à la 41e place sur 180 pays alors que l’année dernière, nous occupions la 37e place dans le monde. Nous avons donc perdu 4 places.
Au niveau national, le Centre de presse Norbert Zongo a initié depuis quelques années l’indice de la liberté de la presse, qui permet de donner une note sur 4 au pays, en matière de liberté de la presse. En 2020, la note du Burkina Faso était de 2, 41 sur 4 contre 2, 50 en 2019. Ce qui constituait un léger recul. Pour 2021 qui vient de s’achever, le panel d’experts nationaux a encore noté la liberté de la presse dans notre pays et le consultant vient de partager avec nous cette note de 2, 25 qui indique clairement que même si la situation est plutôt bonne, on note un net recul en la matière. Il nous appartient tous donc d’en tirer des leçons car en général, les reculs de ce genre sont de très mauvais signaux pour la démocratie et pour l’Etat de droit.
Mesdames et messieurs,
Chers invités
Les défis restent entiers pour construire des médias économiquement viables, professionnellement irréprochables, libres et indépendants de toutes les chapelles politiques et des pouvoirs économiques. Mais avec vous, avec l’ensemble de notre peuple, avec le soutien de tous, nous parviendront à relever les défis qui se présentent à notre pays, aux médias et à l’ensemble des femmes et des hommes qui l’anime.
C’est sur ces notes d’espoirs que le Centre de Presse Norbert Zongo vous souhaite une belle célébration du 3 mai.
Vive la journée mondiale de la liberté de la presse !
Vive la liberté de presse !
Pour le Centre National de Presse Norbert Zongo
Le comité de pilotage !
Le Président