Arrêté vendredi et inculpé pour appel à l’insurrection et autres crimes et délits, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko entame une grève de la faim. Il s’est exprimé sur les réseaux sociaux ce dimanche.
«Face à tant de haine, de mensonges, d’oppression, de persécution, j’ai décidé de résister. J’observe à compter de ce dimanche une grève de la faim.» Deux jours après son arrestation, Ousmane Sonko riposte sur Facebook depuis sa cellule. Nouvel épisode d’une saga politique et judiciaire qui enflamme le Sénégal depuis de longs mois. A quelques mois de la présidentielle, le principal opposant enchaîne les déboires judiciaires. Ce qui fait dire à ses partisans que le maire de Ziguinchor est victime d’un acharnement du pouvoir pour le faire taire.
Vendredi, Ousmane Sonko est arrêté à Dakar pour avoir «volé avec violence le téléphone portable d’une femme gendarme» et pour avoir «aussitôt appelé le peuple, par un message subversif divulgué sur les réseaux sociaux, à se tenir prêt», selon le procureur. Le lendemain, il est inculpé, entre autres, pour appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, complot contre l’autorité de l’Etat, actes visant à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves et vol. Selon ses avocats, il doit être interrogé ce lundi par un juge.
Sur les réseaux sociaux, avant son arrestation, Ousmane Sonko avait offert une version des faits bien différente. Au sujet du vol dont il est accusé, il assure avoir été filmé par des forces de sécurité présentes devant son domicile. Lorsqu’il a demandé à la personne «d’effacer les images qu’elle a prises», celle-ci aurait refusé, et l’opposant lui aurait alors «arraché le téléphone».
Ce dimanche, il appelle désormais «tous les détenus politiques» du Sénégal à le suivre dans sa grève de la faim. C’est déjà le cas d’un journaliste sénégalais, critique du gouvernement et déjà détenu l’année passée pour «diffusion de fausses nouvelles». Pape Ale Niang a également été arrêté samedi et placé en garde à vue, selon son avocat. Patron du site d’informations Dakar Matin, il avait évoqué vendredi l’arrestation d’Ousmane Sonko dans une vidéo diffusée en direct sur les réseaux sociaux.
Cela fait plusieurs semaines que l’arrestation d’Ousmane Sonko est redoutée, notamment par ses partisans. «Cela n’a rien à voir avec la première procédure dans laquelle il a été jugé par contumace», selon le procureur Abdoul Karim Diop. L’opposant avait été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs, un verdict qui le rend inéligible en l’état, soulignent ses avocats et des juristes. Cette condamnation a engendré début juin les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal. Ils ont fait 16 morts selon les autorités, une trentaine selon l’opposition.
Investi candidat à la prochaine présidentielle par son parti, Ousmane Sonko a par ailleurs été condamné le 8 mai à six mois de prison avec sursis à l’issue d’un procès en appel pour diffamation. Mais il n’a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême. Le maire de Ziguinchor, adulé par une partie de la jeunesse sénégalaise, dépeint le président Macky Sall comme un dictateur en puissance, tandis que les partisans du chef de l’Etat le qualifient d’agitateur qui sème l’instabilité. Macky Sall a annoncé début juillet qu’il ne briguerait pas un troisième mandat, après des mois d’ambiguïté à ce sujet.
Source: https://www.liberation.fr/