Des administrateurs de la CAMEG issus de la société civile et les secrétaires généraux des syndicats, ont émis certaines réserves sur la gestion de la Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels et Génériques (CAMEG). Ces réserves portent essentiellement sur : la gestion des ressources humaines et des relations avec les partenaires sociaux, le cas des licenciements et du climat social, l’approvisionnement des intrants pharmaceutiques, la pré qualification des fournisseurs, la péremption des produits, les ruptures de stock, la santé financière de la CAMEG et la gestion des incendies.
Face à cette situation inquiétante, le lundi 31 juillet, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes membres de l’Unité d’Action Syndicales (UAS), ont adressé une correspondance expresse au premier ministre de la transition Me Apollinaire Joachimson Kyelem de Tambela pour qu’il se penche sur la situation qui prévaut au sein de l’Institut. Dans la même veine, une demande d’audience a été adressée à la première responsable de la CAMEG par l’UAS pour savoir d’avantage sur ce qui se passe. C’est ainsi que le mardi 26 septembre 2023, une rencontre d’échanges de haut niveau a eu lieu entre la direction générale de la CAMEG et une délégation de l’UAS, conduite par Nicolas Ouédraogo, Secrétaire général adjoint de la CGT-B. A l’issue des échanges, l’UAS est repartie rassurée et satisfaite sur la gestion de l’institution par le Dr Anne-Maryse Khaboré.
Sur chaque point, la méthode des échanges a consisté à donner la parole à la Direction générale de la CAMEG pour apporter des éléments de réponse à chaque préoccupation suivie des commentaires et questions de l’UAS pour mieux comprendre. Avant d’entrer dans l’exposé des éléments de réponse, la Directrice générale a regretté que cette importante rencontre avec l’UAS qui aurait dû être tenue bien longtemps, intervienne après que celle-ci ait porté une dénonciation sur la gestion de la CAMEG auprès du Premier ministre sans l’avoir préalablement entendue sur la situation de la CAMEG.
Nonobstant cela, elle a salué la démarche tardive de l’UAS de l’entendre, pour avoir tous les éléments de clarification. Elle a proposé dans une démarche participative, conforme au style de management qui prévaut à la CAMEG, que chaque technicien se prononce sur la question relative à son domaine, et qu’elle puisse y apporter des compléments le cas échéant. La Direction générale s’est alors prononcée sur chaque point.
Sur la question des ressources humaines et des relations avec les partenaires sociaux.
La Direction générale a fait à la délégation de l’UAS une présentation du climat social, des relations avec les partenaires sociaux, des cas de licenciement et des démissions ainsi qu’une synthèse des réformes et des acquis sociaux accordés aux travailleurs de la CAMEG depuis 2018 jusqu’à ce jour.
La Direction générale a commencé par informer que les délégués du personnel et syndicaux ont été reçus par la direction générale à chaque fois qu’ils ont exprimé le besoin et les échanges ont porté sur tous les points de préoccupation soumis. Aussi, la Direction générale tient des rencontres régulières avec tout le personnel appelées Assemblées générales, pour discuter de la vie de la maison afin d’avoir directement avec les travailleurs toutes les remontées d’informations. Du reste, elle a invité les délégués syndicaux à prendre part à ces rencontres pour avoir le ressenti des travailleurs.
La Direction générale de la CAMEG a souligné qu’à ce jour, il n’existe aucun cahier de doléance des partenaires sociaux non traité et aucune demande d’audience des partenaires sociaux n’a été refusée. En outre, la Direction générale a reçu plusieurs lettres de remerciements et de félicitations du bureau des délégués du personnel ainsi que des travailleurs pour les efforts faits pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.
La Direction générale a exposé à la délégation de l’UAS, les motifs de tous les licenciements intervenus de 2018 à 2023, actés selon les règles en vigueur dans les statuts et règlements intérieurs de la CAMEG, à travers un conseil de discipline multipartite comprenant les délégués du personnel et délégués syndicaux. Au nombre de 5, ces licenciements sont : 2 pour des cas de vols de carburants, 2 pour des sorties illicites de médicaments des entrepôts de la CAMEG et 1 pour une perte de confiance. Aussi, elle a rassuré la délégation de l’UAS qu’en ce qui concerne les démissions de travailleurs cela est essentiellement lié au profil professionnel (pharmacien) de la majorité des démissionnaires qui bien avant leur prise de service à la CAMEG nourrissent l’ambition d’ouvrir leurs propres officines pharmaceutiques ; ainsi, une fois qu’ils obtiennent leur autorisation d’ouverture, ils démissionnent à cet effet. Par exemple, 6 pharmaciens sont partis en 2023.
En ce qui concerne les acquis sociaux et pécuniaires, il s’agit notamment de :
La régularisation en 2019, des reversements de 103 agents dans la grille salariale de 2013 avec un coût évalué à plus de 200 millions de F CFA; La relecture consensuelle avec les délégués du personnel du statut du personnel, du règlement intérieur, de la grille salariale et indemnitaire de 2021 avec une augmentation moyenne de 30% de la masse salariale soit une incidence de plus de 500 millions; l’adoption d’un code d’éthique et de déontologie inspiré du Règlement intérieur ; la révision du système d’assurance santé permettant une prise en charge des frais de santé du travailleur et des membres de sa famille à hauteur de 80% en traitement ambulatoire, 100% en cas d’hospitalisation et une évacuation à l’extérieur si cela est requis.
Ces évacuations ont déjà eu lieu pour plusieurs employés et membres de famille de toute catégorie socio-professionnelle; la dotation du personnel en ticket de restaurant subventionné à 80% ; l’octroi d’un 13ème mois de salaire ; Une prime de performance annuelle en fonction des résultats de l’entreprise représentant au minimum un mois de salaire; Les promotions internes d’une trentaine de travailleurs à des catégories supérieures par le mécanisme des tests internes de recrutement de 2018 à 2023;
– Les décorations décernées à 16 travailleurs en 2021 prenant en compte toutes les catégories socio professionnelles :
En ce qui concerne le climat social, la direction générale s’emploie à mettre en place un climat de travail équitable, convivial et apaisé mais dans l’ordre et la discipline conformément au statut et règlement intérieur et au management axé sur des résultats.
La formation de toutes les catégories socio-professionnelles, mission d’études et de partages d’expériences à l’extérieur de toute catégorie socio-professionnelle, des arbres de noël avec la famille des travailleurs, de cautionnement de la mutuelle des travailleurs auprès des banques pour la réalisation d’opération de prêts immobiliers, des ruptures de jeunes collectifs (christiano-musulmans), du sport collectif, des sorties récréatives.
Sur les questions de l’approvisionnement, de la pré qualification des fournisseurs, de la péremption des produits et des ruptures de stock.
L’équipe de la CAMEG a présenté à la délégation de l’UAS les procédures et les règles qui encadrent le processus d’approvisionnement des médicaments au Burkina Faso allant de la présélection des fournisseurs, à l’approvisionnement, au stockage et à la distribution. Les questions posées par la délégation de l’UAS se rapportent aux questions de qualification des fournisseurs et des médicaments, aux coûts des médicaments, aux péremptions et ruptures ainsi qu’à la santé financière de la CAMEG. A ces sujets, l’équipe de la CAMEG a expliqué à la délégation de l’UAS que la pré qualification est faite pour tout fournisseur intervenant à la CAMEG suivant le manuel MQAS (Model Quality Assurance System) de l’OMS. Tous les produits n’ont pas obligatoirement besoin d’être préqualifiés OMS, seuls certains produits comme les ARV, les antituberculeux, etc. sont soumis à cette obligation. La présélection des fournisseurs à la CAMEG se fait par un comité d’experts indépendants suivant les mêmes exigences du domaine pharmaceutique. En ce qui concerne les coûts des produits vendus à la CAMEG, ils sont fixés par l’Etat suivant un processus impliquant tous les acteurs nationaux y compris la ligue des consommateurs, la société civile, l’ordre et le syndicat des pharmaciens. Et la CAMEG doit s’y conformer et continuer à céder ces intrants à ces coûts, même à perte (exemple : paracétamol, gels, masques durant COVID, etc.)
Quant aux péremptions, la CAMEG admet qu’il en existe comme dans tout système d’approvisionnement. Le but étant de les minimiser pour rester entre 3 et 5% (indicateur OMS). Cependant ces produits périmés ne sont pas entrés à la CAMEG avec des dates de péremption proche. Il existe une procédure de réception des produits, mise en œuvre par une commission indépendante, qui veille au respect des 2/3 de la vie restante des produits à leur entrée en stock.
Aussi, les montants avancés par l’UAS sur les coûts des péremptions et des ruptures de stocks sont erronés en attestent les données fiables certifiées par les rapports des commissaires aux comptes et du comité de supervision. De plus, la Direction générale a fourni des explications sur les causes des péremptions qui résultent essentiellement de la baisse de consommation de certains produits comme les intrants COVID, les formes pédiatriques liées à la gratuité des soins et des changements de protocole de soin et du déstockage hors logiciel de gestion par certains magasiniers. L’exemple a été donné avec le cotrimoxazole 240 mg suspension buvable : la consommation moyenne mensuelle (CMM) de cotrimoxazole est passée de 196 800 flacons en 2018 à 75 024 en 2021 et aujourd’hui à 36 000 soit une baisse de plus de 50%. Les prévisions de commande de l’année N+1 étant faites sur la base des statistiques de distribution de l’année N, le changement de tendance de consommation va entrainer forcement la durée du produit en stock ; d’où des dates de péremption proches à la livraison par le fait qu’un stock initialement commandé pour 6 mois devient pour 12 mois et plus. La CAMEG stocke selon ses procédures, entre 6 et 10 mois de stock.
Quant aux ruptures, elles résultent essentiellement des créances de l’Etat vis-à-vis de la CAMEG qui s’élèvent t au 31.08 2023 à plus de 20 milliards de FCFA. Ce qui entraine des retards de règlement des fournisseurs. Toutes choses qui perturbent fortement les plannings d’approvisionnement avec les fournisseurs, sachant qu’il y a très CAMEG peu de production locale et que 99% des achats viennent de l’international et mettent 6 mois par voie maritime pour être acheminés au Burkina Faso.
Sur la qualité du médicament, la CAMEG a décrit l’ensemble de son dispositif qualité en amont: par la présélection des fournisseurs sur la base de documents qualité, au moment de la réception, ce sont des documents qualité qui permettent la levée de quarantaine, le contrôle systématique par le laboratoire national ANSSEAT (Ex LNSP) dont c’est le rôle régalien; et en aval : par toutes les procédures de pharmacovigilance, de rappel de lot qui permettent de rappeler les médicaments en cas de besoin; ce qui est un processus normal et connu de tous dans le secteur pharmaceutique national et mondial. Pour ce qui est des notifications des plaintes et réclamations clients, ceci est normal et cela augmente, puisqu’avant, ce mécanisme n’existait. C’est avec la culture de l’amélioration continue, issue du système management de la qualité ISO que cela a été développé pour prendre en compte les besoins et attentes des clients afin d’améliorer notre service.
Toute réclamation est traitée et en cas de réclamation sur la qualité d’un produit, il est mis en quarantaine en attendant une contre-expertise par un laboratoire indépendant. C’est le processus normal de la gestion des non conformités sur le plan réglementaire.
En ce qui concerne la question de la certification ISO, la CAMEG a expliqué à la délégation de l’UAS, les implications du certificat en termes d’amélioration des processus, du suivi des activités et du renforcement de la confiance des fournisseurs et des partenaires. Cette confiance renforcée des partenaires a entrainé un accroissement important des flux de stocks pharmaceutiques confiés à la CAMEG et subséquemment l’accroissement des recettes liées aux frais de gestion facturés aux partenaires entraînant un besoin supplémentaire d’espace d’entreposage et donc de location de magasin. Ainsi les frais de gestion générés par la gestion des stocks sont passés de 1 à 4 milliards et les charges locatives sont passées de 200 à 700 millions
Sur la santé financière de la CAMEG
La Direction générale a rassuré sur le fait que la santé de la CAMEG était au beau fixe, car depuis 2018, la CAMEG a toujours clos ses exercices budgétaires avec un résultat bénéficiaire sauf en 2021 suite à l’incendie, mais elle a retrouvé sa santé financière en 2022 en terminant l’année avec plus de 2 milliards de bénéfices. De plus, aucun DAT n’a été utilisé à ce jour. Tous ces éléments sont dans le rapport annuel du Commissaire aux comptes lors des états financiers soumis au conseil d’administration pour arrêter les comptes. Aussi, les indicateurs de performances financières sont au vert et témoignent de la stabilité financière de l’institution. Le Représentant du personnel au Conseil d’administration, relevant de la CGT-B a donc toutes ces informations y relatives.
Sur la gestion des incendies.
La Direction générale a présenté les cas d’incendie que la CAMEG a connus, les causes ont été révélées suite aux expertises de la police scientifique à savoir un dysfonctionnement électrique et une inflammation d’origine chimique.
Les actions entreprises par la CAMEG pour la gestion desdits incendies se résument comme suit :
Les enquêtes de police et d’expertises indépendants dont les rapports sont disponibles, l’audit du système électrique et du système de sécurité incendie, la mise en œuvre des recommandations en cours, les travaux de modernisation du système de sécurité incendie sur tous les sites avec l’extinction automatique sur certains sites sensibles, la signature d’une convention avec la BNSP, la formation et la sensibilisation du personnel, le renforcement de la surveillance par les CSST (Comité Santé, Sécurité au Travail).
Au terme des échanges, la délégation de l’UAS a remercié la Direction générale pour les explications qu’elle lui a fournies sur ses préoccupations. Elle a tenu a précisé que sa démarche ne vise pas à nier que des efforts sont faits par la CAMEG. Elle a indiqué que son intérêt pour la CAMEG ne se fonde pas uniquement sur le besoin de défendre les travailleurs mais aussi sur l’important rôle de la CAMEG dans la santé des populations. Elle dit qu’elle a pris note des différentes informations que lui a communiquées la Direction de la CAMEG et qu’elle allait les confronter et au besoin revenir pour poursuivre les échanges.
La Direction générale de la CAMEG a déploré une fois encore que ces échanges interviennent après que l’UAS ait adressé une lettre de dénonciation de sa gestion au Premier Ministre, discréditant ainsi un travail de longue haleine visant à faire de la CAMEG une institution forte, incontournable du système de santé et ancrée dans sa mission première, rendre accessibles aux populations, des intrants de qualité. Certes, le travail n’est pas parfait, mais la Direction générale est disposée à recevoir des critiques constructives pour son amélioration.
Elle a informé la délégation de l’UAS que suite à sa lettre d’interpellation au Premier Ministre, le Conseil d’administration de la CAMEG à travers son Comité d’Audit, a été instruit de produire un rapport sur les éléments de dénonciation soulevés. Ce rapport a été transmis à l’autorité suivant la voie hiérarchique. La délégation de l’UAS a émis le souhait qu’une copie dudit rapport lui soit remise. Pour ce faire, la Directrice générale de la CAMEG a indiqué qu’elle devra requérir au préalable l’autorisation de sa hiérarchie.
Avant de clore la rencontre, elle a encore réitéré à la délégation de l’UAS son entière disponibilité et son ouverture permanente à échanger avec les partenaires sociaux de l’UAS, les délégués du personnel et syndicaux internes à la CAMEG et toute structure s’intéressant à la CAMEG.