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Santé : Quoi de Neuf sur l’avortement avec Dr Youssifou Savadogo?

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Quoi de neuf Docteur? est une nouvelle rubrique de Aconews sur la santé qui traitera des sujets avec essentiellement des spécialistes dans divers domaines de la santé humaine. Pour ce premier article, nous traiterons de l’avortement avec Dr Youssifou Savadogo, Gynécologue-Obstétricien, spécialiste de la santé de la reproduction en service au CHU de District Bogodogo et ancien expert de l’UNFPA au Tchad.  

Dr. Youssifou Savadogo, Gynécologue-Obstétricien, spécialiste de la santé de la reproduction

Aconews: Que pouvons – nous entendre par avortement ?

L’Avortement peut être défini comme toute interruption de grossesse avec expulsion complète ou non du produit de conception durant les semaines suivant la date des dernières règles (DDR) l’expulsion d’un fœtus ou du produit de conception avant 180 jours ou six mois). En absence d’une DDR, c’est l’expulsion d’un fœtus de moins de 1000g. (Définition adaptée à notre contexte).
Le terme avortement est en rapport avec la durée de la grossesse dont dépend la viabilité ou la non viabilité du fœtus, dans notre contexte, cette période concerne les 28 premières semaines de la grossesse (soit 6 mois de grossesse).
Selon les circonstances de survenue, l’avortement peut être spontané ou provoqué L’avortement spontané (souvent appelé fausse couche) est la perte spontanée (sans intervention) du fœtus.
Quant à l’avortement provoqué (par intervention humaine), Il en existe selon les circonstances deux types : les avortements provoqués légaux et les avortements provoqués illégaux ou clandestins
Les avortements provoqués légaux, regroupant les interruptions volontaires de grossesse (IVG), les avortements thérapeutiques, les avortements eugéniques qui s’opèrent dans des conditions définies par la loi et bénéficient à cet effet d’un support médical. On parle donc d’avortement sécurisée.
L’interruption de la grossesse est considérée comme sécurisée lorsqu’elle est pratiquée par une personne qualifiée qui a les compétences et les informations nécessaires, et dans un environnement adéquat respectant les normes sanitaires.

Aconews: Avant de poursuivre peut- on avoir de plus amples explications sur les termes IVG, avortement thérapeutique et avortement eugénique ?

De façon simple il faut comprendre par Interruption volontaire de grossesse (IGV), l’interruption de la grossesse du fait de la volonté de la femme, en dehors de toute considération d’ordre médicale et dans le strict respect de la loi ; il s’agit d’une femme dans un état de détresse, souvent victime de viol ou d’inceste.
L’Avortement thérapeutique , c’est le type d’avortement qu’on trouve dans le cas d’une grossesse dont la poursuite menace l’état de santé de la mère. Le désir de la femme est également respecté dans ce cas comme dans tous les autres avortements légaux.
L’Avortement eugénique, est destiné à expulser un fœtus reconnu porteur d’une tare génétique, héréditaire ou congénitale ou suspect de l’être ; après avoir reçu toutes les informations nécessaires, les prestataires de soins accompagnent la gestante si elle le désire, pour l’interruption de la grossesse.

Dr. Youssifou Savadogo, ancien Expert de l’UNFPA au Tchad

Aconews: Que peut-on retenir des avortements provoqués clandestins ?
Les avortements provoqués illégaux ou clandestins se pratiquent dans l’illégalité, par des personnes non qualifiées et dans des conditions dépourvues d’asepsie. Ils sont également appelés avortements criminels.

Aconews: Quelles sont les complications couramment rencontrées à la suite des avortements provoqués clandestins (APC) ?
Les complications sont fréquentes et graves dans ce cas ; on peut les ranger comme suit en fonction de leur délais d’apparition :
Les  complications immédiates qui comprennent :
– Les hémorragies.
– L’infection qui peut être localisée dans un premier temps puis se généraliser par la suite sous forme de septicémie.
– Les lésions traumatiques essentiellement les perforations utérines en général provoquées par l’instrument abortif ou de traitement (bougie, curette). Les lésions vaginales peuvent être aussi observées, de même que les lésions de certains viscères pelviens ou abdominaux : vessie, rectum, intestins.
– Les lésions toxiques locales : du fait de l’utilisation de substances corrosives comme l’eau savonneuse, la poudre de pile. Ils peuvent conduire à la destruction de l’utérus et peuvent être cause d’hystérectomie, c’est – à- dire l’ablation de l’utérus.
– Les accidents précoces contemporains des manœuvres abortives qui peuvent conduire à la mort.
Les Complications secondaires, survenant quelques jours après la manœuvre abortive sont représentées par : le tétanos, les affections des reins et du foie.
Les Complications à distance ou Séquelles. Nous avons :
– les risques de stérilité
– Les séquelles menstruelles sont : il s’agit des troubles du cycle menstruel avec comme conséquences les règles douloureuses, l’irrégularité du cycle.
– Les séquelles psychiques : ils ont pour lit le sentiment de culpabilité, c’est –à-dire l’impression d’avoir tué un humain. Elles se traduisent par des dépressions, la baisse de l’estime de soi entre autres.
– enfin nous avons les complications obstétricales. Il s’agit des complications pouvant survenir au cours des grossesses ultérieures chez la femme. Nous avons :
Les grossesses extra-utérines ; grossesses survenant en dehors de l’utérus.
Les avortements ou accouchements prématurés à répétition.
Et même des ruptures utérines : c’est le fait pour l’utérus de se rompre en cours de grossesse ou de travail d’accouchement.

Aconews: Quels sont les chiffres actuels des avortements provoqués clandestins au Burkina Faso ?

Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), environ 50% des grossesses interrompues à travers le monde, l’ont été dans de mauvaises conditions de sécurité.
95% des cas se trouvent dans les pays en développement.
La majeure partie des avortements sont provoqués et se déroulent dans la clandestinité.,
Il faudrait d’abord préciser que leur caractère clandestin, ne permet pas de façon logique de maîtriser l’ampleur de ce fléau. Les données hospitalières ne constituant donc qu’une partie visible de l’iceberg.
Si l’on se refaire aux différentes publications, on peut retenir qu’une grossesse sur dix au Burkina Faso se termine par un avortement et dans le lot de ces avortements une part importante est constituée par les avortements provoqués clandestins.
6-Quelles sont les principales causes de l’avortement provoqué clandestin ?
Selon les données rapportées par les différentes études et enquêtes on peut retenir les causes suivantes :
Le non désir de la grossesse, dont l’une des causes est la méconnaissance de la contraception ou la non accessibilité aux produits contraceptifs.
Le statut de célibataire est un facteur de risque majeur de l’avortement provoqué clandestin.
La paternité inconnue,
La pression familiale
L’âge avancé ou le jeune âge
L’infidélité
Le viol
Le fait d’être encore scolarisée
Le faible niveau d’instruction

Aconews: Quels impacts les APC peuvent-elles avoir sur la société ?
Il est généralement admis que le phénomène de l’avortement constitue un drame humain et sociétal.
Dès lors que les avortements provoqués clandestins représentent une proportion non négligeable de la mortalité maternelle, ils constituent un véritable drame pour la société quand on sait le rôle capital des mères dans la cellule familiale, et également quand on prend en compte le fait que la plupart des victimes sont des jeunes.
Il est également important de noter que la prise en charge des victimes peut constituer un fardeau pour les services de santé déjà éprouvés par diverses difficultés : insuffisance en personnel qualifié et en équipement.

Aconews: Pouvez-vous nous donner des conseils pour une maternité épanouie ?

L’idéal c’est d’avoir une grossesse planifiée et désirée du début à la fin. Pour se faire, population comme dirigeants chacun devrait jouer sa partition en :
– Incitant les femmes et surtout les plus jeunes à fréquenter les services de santé de la reproduction où elles peuvent recevoir les bons conseils en matière de sexualité
– Rendant accessibles les méthodes contraceptives
– Levant les tabous par la promotion de l’éducation sexuelle y compris à l’échelle familiale.
– Connaissant les dangers de l’avortement provoqué clandestin.
– Amenant une plus grande partie des patientes éligibles selon la loi à solliciter les services qualifiés dans la pratique de l’avortement sécurisé.

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