Accueil A LA UNE Edito : Non-respect des décisions de justice : Quand l’attitude de l’Etat...

Edito : Non-respect des décisions de justice : Quand l’attitude de l’Etat risque de créer un précédent dangereux!

894
0

C’est toujours l’expectative concernant la libération de Me Guy Hervé Kam après pratiquement une semaine d’une décision de justice prise dans ce sens. En effet, c’est le 23 avril passé que la Cour d’appel administrative de Ouagadougou a, dans une décision en appel, ordonné la libération de l’avocat enlevé ou interpellé (c’est selon) le 24 janvier 2024 à sa descente d’avion à l’aéroport de Ouagadougou. Au moment où ces lignes sont tracées, l’homme à la robe noire, à qui il est reproché une atteinte à la sûreté de l’Etat, ne hume toujours pas l’air de la liberté. Comme dans le cas du procès en référé du 07 mars 2024 en lien avec cette affaire, l’Etat a décidé une fois de plus de ne pas respecter la décision de la justice.

Me Guy Hervé Kam

Depuis un certain temps, l’Etat fait la sourdre oreille face aux décisions de libération de citoyens enlevés rendues par la justice. Avant Me Kam, un tribunal a ordonné la libération de l’homme d’affaires Anselme Sansan Kambou enlevé le 20 septembre 2023 à Ouagadougou. Et cela après que sa femme a saisi la justice. Depuis lors, ce dernier est toujours détenu. Ces deux affaires d’enlèvements s’ajoutent à d’autres, moins médiatisées, et qui n’ont pas aussi fait l’objet de saisines de la justice. Il s’agit, par exemple, des enlèvements d’un imam de Bobo-Dioulasso, du responsable des groupes d’auto-défense Koglweogo de l’Est (Moussa Thiombiano alias Django) ou encore du directeur de cabinet du Groupe EBOMAF (Prosper Bassolé). Avant ces affaires d’enlèvements, l’Etat n’était pas déjà un bon élève en matière de respect de décisions de justice.

Moussa Thiombiano alias Django

Du fait de cette attitude, nombre de travailleurs licenciés abusivement éprouvent du mal à entrer dans leurs droits après la condamnation de l’Etat à les reprendre ou à leur payer leur dû. Ils sont nombreux aussi des agents victimes de mesures administratives jugées abusives qui ont toute la peine du … Faso à se voir rétablir dans leurs droits après la condamnation du même Etat. Ce dernier use généralement de dilatoire dans des procédures à n’en pas finir pour ne pas exécuter des décisions qui ne lui sont pas favorables. Certes, il n’est pas question ici de privation de liberté mais ce qui est souvent en jeu est aussi précieux, vital que la liberté comme, par exemple, le bénéfice de dommages et intérêts pour réparer un préjudice.

Pour en revenir à l’affaire Guy Hervé Kam, celle-ci se révèle être une arête, une patate chaude entre les mains de l’Etat. La raison est le statut de l’intéressé, celui d’avocat, qui ne peut pas être interpellé comme un citoyen ordinaire. Il faut requérir auparavant l’autorisation du bâtonnier de l’Ordre des avocats. Sans doute au nom de la raison d’Etat et aussi de l’état de mobilisation générale et de mise en garde en vigueur, l’Etat n’a pas jugé nécessaire de respecter cette exigence. Mais voilà qu’il se débat pour trouver une légalité à sa démarche qui n’a pas respecté la légalité. Maître de la parole, Guy Hervé Kam a aussi une casquette d’homme politique avec sa qualité de coordonnateur du Mouvement SENS (Servir et non se servir) qui ne manque pas de faire de l’agitation autour de l’affaire. On se rappelle que ce Mouvement avait envisagé un sit-in devant la Direction de la Police nationale avant de se raviser faute d’autorisation de la commune de Ouagadougou. Mais on peut être sûr qu’il n’a pas totalement renoncé à ce sit-in ou à d’autres actions d’éclat s’il n’est pas mis fin à ce qu’il qualifie de détention arbitraire de son coordonnateur. Tout cela constitue une pression sur l’Etat qui cherche à se sortir de cette affaire sans perdre la face.

A notre avis, l’Etat aggraverait sa situation en cherchant ici à ménager la chèvre et le chou. Mieux vaut exécuter la décision de justice pour ne pas créer un précédent dangereux. Dans l’opinion, l’Etat passerait pour un incivique avec son attitude. Pourtant, il est le premier garant de la justice. Ce serait paradoxal s’il est celui-là qui refuse d’exécuter ses décisions. Des citoyens pourront prendre prétexte de ce mauvais signal qui est envoyé, de ce mauvais exemple en haut lieu, pour ne pas respecter eux aussi des décisions de justice. Et l’Etat sera embarrassé, gêné aux entournures, pour leur faire la morale, leur demander de se comporter en bons citoyens. C’est ce précédent dangereux que l’Etat doit éviter de créer en se conformant à la décision de justice rendue dans l’affaire Guy Hervé Kam et dans bien d’autres. Dura lex, sed lex (la loi est dure mais c’est la loi) !

Par Yempabou Babribilé

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here