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Liberté de la presse au Burkina : Une dégradation qui ne surprend pas

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Le 03 mai dernier, le monde entier a célébré la Journée mondiale de la liberté de la presse. A cette occasion, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) a publié un rapport sur la situation de la liberté de la presse dans le monde. Pour cette année 2024, le Burkina occupe dans ce rapport le 86e rang sur 180 pays contre la 58e position en 2023. En l’espace d’une année, le Burkina a perdu 28 places dans ce classement.

En plus du rapport de RSF, il y a des rapports qui sont publiés au niveau de certains pays. C’est le cas du Burkina où le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) publie également chaque 3-Mai des rapports nationaux sur l’état de la liberté de la presse. Cette année 2024, la tradition a été respectée une fois de plus avec la publication du rapport national qui a pris en compte la situation de la liberté de la presse entre le 1er mars 2023 et le 31 mars 2024. Comme dans le rapport de RSF, le Burkina n’y est pas bien coté. En effet, l’indice de la liberté de presse au Burkina en 2023 ressort à 1,96 sur 4. En 2022, ledit indice était de 2,21 sur 4. Soit un recul de 0,52 point. Depuis 2018, c’est la première fois que l’indice est en dessous de la moyenne.

Dégradation continue de la liberté de la presse

Le point commun des deux rapports est donc la dégringolade du Burkina dans le classement. Ce qui traduit une dégradation continue de la liberté de la presse. Malheureusement, cette situation peu reluisante ne surprend pas. Avec la guerre induite par la lutte contre le terrorisme, il n’y a pas, par exemple, que l’économie qui est affectée. Un domaine comme les libertés de manière générale est impacté. Sur le plan de la liberté de presse, les journalistes et les organes de presse ne sont pas loin d’être sous la surveillance étroite des autorités. Ainsi, au nom de la guerre, le gouvernement a suspendu des médias, étrangers pour la plupart, sans passer par le Conseil supérieur de la communication (CSC), l’instance de régulation des médias.

A titre d’exemple, Radio France Internationale (RFI) a été la première à être suspendue « jusqu’à nouvel ordre » en décembre 2022 au motif que son traitement de l’actualité sur le terrorisme ne plaisait pas aux autorités. Par la suite, les suspensions de médias par le gouvernement se sont poursuivies et ont touché France24 en mars 2023 (suspension jusqu’à nouvel ordre), Radio Oméga entre août et septembre 2023. En début avril 2023, ce sont les correspondantes du Monde Afrique et de Libération qui ont été expulsées du Burkina. Des sites de Jeune Afrique et du Monde ont été aussi suspendus temporairement d’accès, toujours par le gouvernement.

Les journalistes en ont également pris pour leur grade dans ce contexte de suspensions tous azimuts. Le régime du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé aux affaires en fin septembre 2022, trouvait qu’ils n’en faisaient pas assez dans la lutte contre le terrorisme en terme de soutien, d’accompagnement du gouvernement. Pendant ce temps, ses partisans s’en prenaient aux journalistes qui osaient émettre la moindre critique contre la gouvernance de leur champion. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la relecture de la loi organique du CSC marquée par la levée de bouclier des organisations professionnelles des médias (OPM) contre le gouvernement accusé de vouloir opérer une mainmise sur l’institution à travers la nomination du premier responsable par le chef de l’Etat. Si l’on sait bien que ces faits comptent beaucoup dans la notation et le classement du pays par rapport à la liberté de la presse, on ne doit donc pas être étonné par le rang du Burkina tant aux niveaux national qu’international dans les rapports de 2023 et de 2024. C’est le contraire qui devrait même surprendre.

Si l’étau ne se desserre pas, on craint même que la dégradation ne se poursuive, que la situation n’empire. Déjà, on note pour l’année 2024 la suspension temporaire du territoire burkinabè, par le CSC en avril dernier, de médias comme TV5 Monde, VOA, BBC Afrique, etc. Un groupe de presse, Savane Médias qui comprend des radios et une télévision, a été fermé dans le même mois d’avril. Cette fois, la fermeture des locaux n’est pas le fait du gouvernement ou de l’instance de régulation. Elle a été opérée par le fisc pour des arriérés d’impôts. Il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit pas d’un bon signal car, pour les défenseurs de la liberté de presse, tout média fermé, quelle qu’en soit la raison, est un espace de liberté de moins. L’espoir d’une amélioration de la situation, d’un retour à la normale, tant pour la presse que les autres secteurs de la vie nationale, réside dans la victoire sur le terrorisme.

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