Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour connaître les résultats provisoires de l’élection présidentielle tchadienne du 06 mai dernier. Initialement annoncés pour le 21 courant au plus tard, c’est finalement le vendredi 10 mai 2024 qu’ils ont été proclamés par l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE). Ceux-ci donnent le candidat du parti au pouvoir, le Mouvement patriotique pour le salut (MPS), et président de la Transition depuis 2021, le Général Mahamat Idriss Déby Itno (MIDI), vainqueur dès le premier tour avec 61,03% des voix.
L’opposant et Premier ministre rallié au pouvoir à la dernière minute, Succès Masra du parti Les Transformateurs (LT), n’a pas pu … transformer l’essai et arrive loin derrière avec 18,53% des suffrages exprimés. Le Général de 40 ans se « succède » à lui-même et surtout à son père, Idriss Déby Itno, tué au combat contre des rebelles en 2021 après avoir été réélu au premier tour le 11 avril de la même année avec un score de 79%. Malheureusement, il ne pourra étrenner son pouvoir car mort avant son investiture.
Le pouvoir sera l’affaire du clan Déby
L’alternance devra donc attendre encore au Tchad. Pour les cinq prochaines années c’est-à-dire jusqu’en 2029, le pouvoir sera l’affaire du clan Déby. Après le père qui a régné pendant 30 ans, c’est le tour du fils de prendre les rênes du pouvoir pour, en principe, un quinquennat renouvelable une fois. Mais tout cela, c’est si le verrou limitatif du mandat présidentiel ne saute pas entre temps à la faveur d’une révision constitutionnelle comme c’est de coutume sous nos tropiques. Pourtant, on avait cru que le fils n’allait pas marcher sur les pas du père. Après avoir été porté au pouvoir dès les premiers moments de la mort du Maréchal Déby par le clan, le jeune Général avait donné l’air de ne pas être intéressé par la fonction suprême. Il semblait plutôt être préoccupé par la réussite de la Transition, au terme de laquelle il transmettrait le pouvoir à un président démocratiquement élu, et retourner dans sa caserne. Il avait aussi le souci de stabiliser le pays en essayant de faire coûte que coûte la paix avec certains chefs rebelles qui sont rentrés d’exil.
Malheureusement, il y a eu, par moments, la résurgence des vieux démons avec des poussées de fièvre mortelles comme la répression sanglante d’une manifestation des militants de l’opposant d’alors, Succès Masra, en octobre 2022. Ce dernier a dû s’exiler avant de rentrer quelque temps avant la présidentielle à la faveur d’un accord de paix. Par contre, un autre opposant, Yaya Dillo Djerou, n’a pas eu cette chance et a été tué en février 2024 au siège de son parti à N’Djamena au cours d’une opération militaire. Les intentions du jeune officier supérieur ont commencé à être révélées au grand jour avec son investiture comme son candidat à la présidentielle de 2024 par le parti de son défunt père alors qu’officiellement, il n’avait rien dit. A l’époque, on s’était demandé si le parti ne lui forçait pas la main ou bien si tout cela n’était qu’une mascarade. Mais tout est devenu clair lorsque l’intéressé lui-même a fait acte de candidature sous la bannière du parti présidentiel en janvier dernier.
Maintenant que l’élection de MIDI est une certitude acquise (on ne voit pas la Cour suprême remettre fondamentalement en cause les résultats provisoires), on se demande ce qui pourrait bien se passer par la suite. Le candidat malheureux, arrivé en deuxième position, va-t-il contester dans la rue la victoire qui lui a été volée comme il l’a fait savoir sur les réseaux sociaux ? Des anciens rebelles pourraient-ils reprendre à nouveau les armes pour combattre la patrimonialisation du pouvoir par le clan Déby après rêvé d’une alternance par les urnes ? Espérons qu’il n’en sera rien de tout cela afin de permettre au pays de connaître enfin la paix et la stabilité, de tourner la page des violences qui y ont cours depuis l’indépendance.
